Les maque-merde de 14 heures.
Dans ma rue a lieu (presque) tous les jours un marché. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle est connue, ma rue. Pour son marché atypique et coloré, pour ses maraîchers qui hèlent à loisir les badauds, pour ses marchands d'épices, pour ses fleuristes, pour le monde que l'on y trouve le samedi et le dimanche matin, pour sa vie.
C'est qu'il a une particularité, ce marché. Au-delà de son charme, il s'agit de l'un des moins chers de Paris. Pour l'illustrer, extraits de mon cabas, de retour du marché de ce matin :
- 500 grammes de framboises, 1 euro.
- 1 pastèque, 1 euro.
- 1 kilo de cerises, 2 euros 50.
- 2 kilos de haricots verts, 1 euro 50.
- 1 kilo de tomates coeur de boeuf, 1 euro 50.
Bref, tout ça pour dire que c'est un véritable plaisir que de faire ses courses à cet endroit, d'y aller de temps en temps le matin avant de partir pour le boulot, et de revenir les mains chargées de fruits et légumes, tout ça pour quelques euros, après avoir discuté avec les maraîchers qui ont toujours autant de gouaille ("1 kilo de bananes de Martinique à 90 centimes, s'il vous plaît" "tu me donnes 10 centimes de plus, mon frère, t'as deux kilos" "oui c'est cool mais franchement, qu'est-ce que je vais faire de deux kilos de bananes alors que je suis tout seul, bonhomme, hein ?").
Aux alentours de 14 heures, fin du marché. La rue prend des allures de champ de bataille, restes de légumes au sol, balayeuses qui s'activent, trottoirs trempés, cageots traînant un peu partout, cageots remplis des invendus bien souvent (très) abîmés. Une heure après, la rue est à peu près comme neuve, et le cycle reprend de plus belle le lendemain.
Vers 14 heures donc, alors que les maraîchers bien souvent épuisés démontent leurs étals, tout ce que le quartier (et peut-être plus encore, parfois j'ai des doutes) compte de prout-ma-chère-culs-pincés-avec porte-monnaie-équipés-d'oursins se retrouve à fouiller les cageots. Prêts à passer 30 minutes à fouiner parmi les fruits abîmés, pour en extraire environ une dizaine un peu moins abîmés que les autres, tout cela pour avoir le plaisir d'avoir économisé à peine un euro.
Image relativement pitoyable de ces gens à sac à main Longchamp ou polo Fred Perry satisfaits d'avoir économisé quelques centimes sur le dos de maraîchers qui roulent sur l'or (c'est bien connu). La résidence secondaire sur la côte normande est à ce prix, sans doute.