C'était Troie.
Ce qui reste de l'Hôtel Reichenbach, rue Alfred Dehodencq, à côté du jardin du Ranelagh, près de la Muette. Hôtel particulier Art déco construit en 1932 par Jean-Charles Moreux. Mais l'architecture du XXe siècle n'est visiblement pas du goût de l'ambassade d'Arabie Saoudite propriétaire du lieu, qui a décidé de démolir le bâtiment pour s'agrandir. Déjà peu prompt à réagir face à l'attentat prêt à être commis sur l'hôtel Lambert, le ministère de la culture n'a cette fois-ci pas levé le petit doigt [*]. Quelques photos.
L'autre jour en épluchant mes tomates [**], je me suis dit que l'histoire d'Hélène de Troie était une histoire encore très moderne. Une histoire de la culpabilisation avant tout.
Celle d'Hélène, fille à la beauté subjugante née d'une aventure fugace entre Léda la mortelle et Zeus, le divin. Culpabilisation de sa beauté que l'on accuse de tous les maux de Sparte et de la plus grande guerre de la mythologie grecque. Culpabilisation de la femme qui part avec Pâris, femme enlevée mais forcément volage.
L'histoire de la culpabilisation de Ménélas, aussi. Le mari impuissant et aveugle qui n'arrivera pas à combler sa femme. Le mari naïf qui voulait séduire son épouse, mais qui n'aura pas vu qu'il était de toutes manières frappé par la prophétie. Le mari qui devait être irréprochable, fort intelligent. Celui dont on attendait trop, celui qui ne voulait rien d'autre que le bien de sa femme, mais qui lui aura finalement fabriqué une cage.
Polyxène : À quoi ressemble-t-elle la guerre, maman ?
Hécube : À ta tante Hélène.
Polyxène : Elle est bien jolie.
Jean Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu, acte II, scène 4.
[*] Ce n'est pas Christine Albanel qui avait mis récemment sa démission sur la balance au cas où un certain projet de loi "Création et Internet" ne serait pas adopté par l'Assemblée nationale ? J'attends toujours qu'elle fasse preuve d'autant de velléités face aux récentes (et nombreuses) attaques portées contre le patrimoine - qu'elle a accessoirement pour mission de protéger.
[**] En fait c'est en lisant La prisionnière de Sparte de Margaret George, mais j'ai trouvé que les tomates, ça donnait un côté romantique.