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Carte postale suédoise: Dupés.

26 juillet 2004

Dupés.

Vous l'avez sans doute remarqué dans quelques-uns de mes précédents billets, je suis (ainsi que tous les autres élèves de ma promotion) actuellement en stage (dit "stage ingénieur") en entreprise. Je m'étais juré de ne pas en parler, étant donné le peu d'intérêt que cela peut représenter de dire que je passe mes journées à coder en Php/MySQL. Mais finalement je m'y résous, sur un autre point cependant.

Dans sa définition même, un stage a valeur de formation. Il n'est ainsi pas considéré comme un travail et par conséquent pas obligatoirement rémunéré (d'ailleurs dans le cas d'un stage on parle plutôt d'indemnisation et non de rémunération). Et c'est là que le bât blesse. Nous sommes nombreux (et j'en fais malheureusement partie) à ne toucher qu'une indemnité mensuelle d'environ 320 euros, c'est-à-dire un tiers de SMIC. Je ne vais pas faire ici le sempiternel discours "Oui, vous vous rendez compte, 300 euros pour un bac +4/5...". J'aurais accepté cette condition de faible indemnisation si mon stage avait réellement contribué à ma formation, m'avait fait découvrir des nouveautés ou autres. Malheureusement, de trop nombreuses entreprises se servent des stagiaires comme d'une main d'oeuvre très bon marché.

Dans son esprit d'origine, le stage fait partie intégrante d'une formation, et c'est ainsi qu'il est obligatoire chaque année d'école d'ingénieur. Il ne s'agit pas d'un travail au sens propre. C'est pour cela qu'un stagiaire n'est pas contraint à remplir tel ou tel objectif ou n'est pas soumis à résultats.

Certains me diront sans doute qu'il "faut maintenant se conformer à la réalité du marché", qu'il faudrait que je descende de mon nuage, qu'une entreprise ne peut pas se permettre de gérer un stagiaire comme cela, etc. Il est tout de même bon de rappeler qu'une entreprise reçoit des subventions relativement conséquentes (sous forme de déductions fiscales) lorsqu'elle accepte de prendre un stagiaire conventionné. Car prendre un stagiaire, ce n'est pas embaucher un intérimaire. Prendre un stagiaire, c'est accepter de former un étudiant à un aspect du monde du travail, accepter de perdre un peu de temps pour lui, et de lui donner plutôt un sujet innovant.

Au final, je n'ai vu mon tuteur de stage que 3 fois en 8 semaines (et je ne suis pas le seul dans ce cas, loin de là). Lorsqu'il vient me rencontrer c'est pour s'assurer que le travail avance correctement et qu'il aura bien son logiciel commandé pour la fin du mois d'août. Qu'il aura bien une application sur mesure qui ne lui aura coûté au final que 960 euros. Rien d'autre. Enfin, cela lui permettra certainement d'avoir une semaine de vacances supplémentaire à Megève cet hiver.

Et toujours ces mêmes réponses de la part des DRH lorsqu'on leur reproche de donner une si faible rémunération pour un travail somme toute comparable à un travail professionnel : "Et bien si vous n'êtes pas content, jeune homme, faites comme vous voulez. Mais il y en a 10 comme vous qui toquent à la porte derrière". Ou comment jouer de son statut de dominant.

Qu'on ne raconte donc pas de bêtises : le chef d'entreprise n'est pas un employeur. C'est un faiseur de pognon, purement et simplement. Et l'éducation doit se mettre à son service, sans broncher. Aucune participation au tissu social, au bout du compte. Décidément, l'entreprise sous cette forme et moi, nous ne sommes pas faits pour nous entendre...