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Carte postale suédoise: Façons d'écrire.

14 septembre 2005

Façons d'écrire.

Alors que je suis en ce moment embourbé dans les réseaux de Petri appliqués à la modélisation des process intervenant au sein des progiciels de gestion intégrés (ne vous trompez pas, ce que je viens de dire n'est que vent et évidence mais ça impressionne le novice), je vais faire une rapide digression socio-linguistique.

Pour rebondir (attention à ne pas se faire mal) sur une de mes précédentes notes, je voulais revenir aujourd'hui sur l'utilisation du courriel et plus généralement sur le message écrit sur Internet.

Alors que, suite à la montée en puissance du téléphone, l'idée même de message écrit disparaissait peu à peu de nos vies (privées, cela s'entend, je ne parle pas du cadre professionnel), je crois qu'Internet a, sans le vouloir, ressuscité un certain intérêt pour la chose écrite. Que ce soit par l'intermédiaire des courriels, des messageries instantanées ou des blogs. À l'heure où les hauts débits rendent le Podcast facile (que ce soit dans le sens descendant pour les billets ou montant pour les commentaires) et permettent des conversations audiovisuelles de bonne qualité, l'écrit va peut-être prendre du plomb dans l'aile. Mais il reste néanmoins l'une des clés de voûte de l'Internet d'aujourd'hui.

Et il n'est pas sans poser de problèmes, le message écrit. Je ne reviendrai évidemment pas sur l'éternel épouvantail qu'est le langage Sms des p'tits djeunz dans le move, vous vous doutez bien de quel côté de la barrière je me situe. Il n'y a d'ailleurs plus forcément grand-chose à rajouter à ce débat maintes fois rencontré dans la blogosphère ou sur les forums de discussion.

Le point sur lequel je voulais revenir aujourd'hui est l'usage même du langage écrit sur Internet. Ces derniers temps, j'ai fait face à deux principaux problèmes, à savoir la forme et le fond.

La forme, tout d'abord, et c'est ce qui fait référence à mon précédent billet. Je crois (et je ne crois pas forcément me tromper) qu'un certain nombre de personnes n'ont pas encore intégré la notion même de message écrit sur Internet. Ne recevez-vous pas souvent des courriels où l'on ne vous dit même pas bonjour au début alors que vous ne connaissez son émetteur que très peu ? N'entendez-vous pas souvent des personnes vous dire "oh, ce n'est pas très bien écrit, mais bon, ce n'est pas grave, ce n'est qu'un courriel" ? N'avez-vous pas cette impression que certaines personnes oublient tout lorsqu'elles font face à un ordinateur ?

Personnellement, je crois que rien ne différencie le message "virtuel" du message "réel". Lorsque l'on envoie une lettre écrite au Conseil général de son département pour demander une aide, on y met (plus ou moins) les formes. Pourquoi ne serait-ce pas la même chose lorsqu'on le contacte par courriel ? Est-ce dû à un manque d'expérience qui fait croire qu'Internet est un univers "décomplexé" ? Est-ce une méconnaissance du langage écrit de manière générale ? Ou est-ce tout simplement de la fainéantise ? Je ne sais pas, et je crois que les raisons sont multiples.

[Anecdote qui n'a pas forcément grand chose à voir mais j'avais envie de la raconter]
Récemment, un étudiant indien qui suit en même temps que moi un cours a envoyé un courriel sur une liste de distribution destinée aux élèves et enseignants de ce cours. C'est un étudiant très poli et qui, malgré son anglais relativement basique, s'exprime de manière plutôt correcte. Son courriel ressemblait à peu près à ceci:

Hi
Is it possible to have the lecture slides of the presentation u gave last week it would be very appreciated
C u

En faisant abstraction de l'usage un peu rude d'une langue qui n'est visiblement pas sa langue maternelle, je note tout de même que je n'oserais jamais écrire "C u" à un de mes enseignants, fût-il très proche de moi. Ce qui me fait vraiment dire que certaines personnes ont vraiment un problème avec le langage écrit sur Internet.
[Bref, ce n'est pas forcément très intéressant tout ça]


Deuxième point, le fond. J'ai mis beaucoup plus de temps à constater ce phénomène. Peut-être par ce qu'avant je n'utilisait pas le medium Internet pour débattre ou avancer des idées. Cela peut paraître étrange, mais j'ai parfois été très surpris par des personnes que j'adore "dans la vraie" et avec lesquelles, sur Internet, j'ai multiplié les incompréhensions. À travers des courriels auxquels il manquait certains mots pour lever toute ambiguïté. Sur ce carnet même, je ne dirais pas que je me suis disputé, mais plusieurs fois j'ai senti en moi une sorte de tension qui me faisait craindre une grosse incompréhension.

On me dira qu'un smiley résout bien des choses. Mais tout de même. Pourquoi est-il systématique de recourir à ces symboles que l'on n'utilisait pas (et que je me refuse toujours à utiliser) lorsque l'on écrivait des lettres ou des cartes postales ? Pourquoi Internet échappe-t-il à la règle ?

Peut-être parce que, sur Internet, on a voulu substituer l'écrit à la parole. On a voulu appliquer les mêmes mécanismes que ceux que l'on applique à l'oral. On a voulu rendre l'émotion que l'on distille lorsque l'on parle avec son interlocuteur les yeux dans les yeux. Exercice difficile et qui, à mon avis, appauvri la force que pouvait avoir l'écrit sur l'oral.

Non, je n'écris pas sur ce carnet comme je parle tous les jours. Je ne considère pas ce carnet comme un substitut à mon absence physique. Et c'est pour cela que nombre de personnes me disent que je ne suis pas forcément semblable à l'écrit et à l'oral. Et c'est peut-être pour cela que j'ai toujours eu une certaine réticence à donner l'adresse de ce lieu à des amis ou à de la famille. Une utilisation différente de l'oral et de l'écrit. Elle est peut-être là, la clé.

Autant de questions qui m'ont fait écrire ce billet particulièrement décousu, ennuyeux, et démesurément long.

Rien à voir mais en ce moment, j'écoute Nulla in mondo pax sincera, motet de Vivaldi, interprété par Emma Kirkby. C'est vraiment de toute beauté.