Cordialement.
Il y a peu de temps j'ai reçu un courriel d'un genre un peu particulier. Il s'agissait d'un étudiant me posant quelques questions concernant mon université et ma vie ici. Rien de bien extraordinaire pour l'instant, il est normal d'aider quelqu'un souhaitant partir à l'aventure. Mais voilà. Si je me permets d'en parler, c'est que ce courriel est symptomatique d'une attitude qui existe chez certains étudiants désirant partir à l'étranger.
Florilège :
- Quelles ont été tes motivations pour réaliser ce double diplôme ?
- Pourquoi as-tu choisi cette université plutôt qu'une autre ?
- En ce qui concerne l'apprentissage du suédois comment ça s'est passé pour toi ?
- Y a-t-il aussi vraiment moyen de progresser en anglais ?
- Pour finir, ce séjour remplit-il globalement les attentes que tu t'es fixées, le conseillerais-tu à d'autres personnes ?
A travers ce que je vais dire, je ne voudrais pas passer pour un moraliste certain de détenir la vérité, un apôtre du séjour d'études à l'étranger. Je veux simplement partager ma conviction quant à sa raison d'être.
Le cursus que je suis actuellement (un "double diplôme") est un peu particulier par rapport au parcours "classique" Erasmus, dans le sens où je reste ici deux ans (un étudiant Erasmus reste en général dix mois) et où je devrai passer une qualification linguistique en suédois (la plupart des étudiants étrangers ici ne prenant pas de cours de suédois, une bonne maîtrise de l'anglais étant relativement suffisante puisqu'une grande partie des cours est donnée dans la langue de Shakespeare). On vient donc ici en double diplôme pour bien plus que des études. On vient pour vivre une vraie histoire d'amour. Une histoire d'amour avec un pays que l'on a choisi. Car deux ans, ce n'est pas rien. Deux ans, cela commence à être suffisant pour s'approprier une partie de la culture du pays. Cela commence à être suffisant pour comprendre comment les autochtones raisonnent.
Alors lorsque l'on me demande pourquoi j'ai choisi cette université plutôt qu'une autre (comprendre "Cette université est-elle la meilleure dans laquelle je peux entrer ?"), cela me blesse. Je me sens offensé par ce clientélisme effréné. Ce clientélisme qui pousse à choisir de partir à l'étranger pour ajouter une jolie ligne à son CV, une ligne qui permettra d'
Quand on me demande si le suédois est difficile (comprendre "Pourquoi nous obligent-ils à apprendre cette langue complètement inutile ?"), cela me blesse également. Oui, évidemment, le suédois est une langue marginale. Mais c'est avoir bien peu de considération pour son pays d'accueil que de refuser de parler sa langue. C'est avoir peu de considération pour une université qui offre gracieusement un cours de suédois. Et c'est proprement insultant pour tous ces autres étudiants étrangers qui ne bénéficient pas de ce privilège (j'en connais qui en me lisant s'en mordent d'ailleurs les doigts). Progresser en anglais (comprendre "la seule langue valable"), c'est sans doute très bien. Je ne dirai pas le contraire, je m'en sers tous les jours. Mais c'est se tromper d'objectif. Car ce n'est pas en parlant anglais que l'on réussit à s'approprier complètement la culture d'un pays étranger. Alors en réponse à toutes ces questions qui trahissent un manque profond d'intérêt pour le pays en lui-même et un regard particulièrement « intéressé » sur les études, j'ai été extrêmement cinglant (j'avoue que je n'ai pas eu beaucoup à me forcer). On ne choisit pas de vivre dans un pays comme on choisit un paquet de lessive au supermarché. On ne compare pas les rapports qualité/prix. Tout marche au coup de foudre. Pas moins.
Alors voilà. Je ne sais pas combien de temps je resterai ici, finalement. Peut-être plus longtemps que la durée prévue. Mais lorsque l'on me parlera plus tard de la Suède, cela me fera un petit pincement au coeur. Un pincement au coeur qui ira bien au-delà du froid que j'aurai enduré l'hiver et des matches de hockeys que j'aurai pu voir. Une petite part de pays se sera accrochée au fond de moi. Et j'aurai une petite larme qui montera, sans doute. Bien plus qu'une bête ligne sur un CV.
Bien plus.
Jeudi 9 décembre 2004 | ||
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