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Carte postale suédoise: Monsieur de Saint-George.

11 décembre 2006

Monsieur de Saint-George.

Le Chevalier de Saint-George (ou Saint-Georges, je ne suis pas parvenu à trouver avec certitude la graphie correcte) est un personnage singulier. Tout d'abord parce que c'est un intermittent de l'histoire. Très connu en son temps, jeté aux oubliettes à l'époque napoléonienne en raison du rétablissement des lois racistes, puis ressuscité récemment, à la toute fin des années 90, à la faveur des premiers enregistrements de sa musique sur disque compact. Je me souviens d'ailleurs d'une campagne de promotion un peu nauséabonde, puisqu'elle s'appuyait largement sur le fait que Saint-George était noir (insistant sur le côté "première", puisque si les enregistrements ne sortaient que maintenant, c'est que le personnage et ses partitions avaient été mis à la trappe du fait même de sa couleur de peau [*]), mettant l'aspect "politique" en avant par rapport à l'aspect purement musical de l'oeuvre. Avec des qualificatifs peu reluisants comme "le Mozart noir". Sachant que Wolfgang Amadeus s'était paraît-il largement inspiré des accords de Saint-George (qui sont d'ailleurs chronologiquement antérieurs), vous apprécierez la perfidie du qualificatif.



Extrait du premier mouvement du concerto pour violon Opus 4 en ré majeur.

Malgré les nombreuses zones d'ombre de sa biographie, tout le monde s'accorde sur le fait que le personnage a eu une vie extraordinaire. Origines "embarrassantes" pour l'époque, puisqu'il est le fruit de la liaison hors-mariage d'un riche propriétaire terrien en Guadeloupe et d'une esclave d'origine africaine. Singularité renforcée par le fait que la liaison en était vraiment une, dans la mesure où sa mère a vraiment fait partie du cercle familial aux côtés de l'épouse "légitime" de Saint-George père, et ce malgré les règles de l'époque qui auraient voulu que l'esclave noire (pléonasme)(sic) soit, suite à la naissance de son fils, reniée (voire avortée de force et tuée), puis que Saint-George lui-même soit éloigné et bien sûr renié. Or, c'est tout le contraire qui se passe. Suite aux problèmes de son père en Guadeloupe, Saint-George rejoint la métropole avec sa mère et l'épouse de son père, et reçoit une éducation très soignée, à base de musique et d'escrime. Disciplines dans lesquelles Saint-George excelle, au grand dam de ses camarades un peu plus blancs que lui. Ses nombreux talents lui permettent d'être régulièrement introduit auprès des personnages importants de la cour (il deviendra un confident de Marie-Antoinette) et de l'aristocratie parisienne. Il est amusant de noter que sa perte ne viendra finalement pas de sa condition, mais de son penchant trop royaliste dans une époque où la France commençait à avoir une idée du mot "démocratie".

Initié franc-maçon, membre important de la cour, chef d'orchestre, maître d'escrime, aspirant-directeur de l'opéra royal, propriétaire d'un somptueux hôtel particulier à Paris. Qualificatifs classiques que l'on pourrait, par honnêteté, faire précéder de la mention "premier noir". Bref, parcours ordinaire d'un noble pas très ordinaire.

Et la musique dans tout ça ? Champagne et paillettes pour une musique aux accents effectivement très classiques, la similarité avec le prodige autrichien sautant vraiment aux oreilles. N'étant pas particulièrement friand des accords extrêmement prévisibles propres à la musique de cette époque, musique qui n'évoque en moi que peu de sentiments, je ne me prononcerai pas. Mais d'aucuns murmurent que c'est un son des plus délicieux.

Sources :

Le chevalier de Saint-George, compositeur afro-français

Association "Le concert de Monsieur de Saint-George"


[*] Et des influences des "grands esprits" de l'époque qui légitimaient "l'inégalité entre les races", Voltaire le premier.