Plus dure sera la chute.
La glace se forme petit à petit sur le Mälar. Signe inquiétant témoignant de la douceur de l'hiver, les canards ne sont pas partis vers le sud. Alors qu'il est normal de les voir gambader (gaiement ou pas, je me pose toujours la question) dans les premières neiges de novembre, ils n'auraient pas dû être là en cette fin de mois de janvier.
Outre le baume pour les lèvres, les chaussures antidérapantes, l'écharpe et le bonnet (ou pas), l'une des choses à ne pas oublier lorsque l'on sort en ville l'hiver, c'est de regarder en l'air. Ou de ne pas longer les façades de trop près.
Même s'ils sont parfois de toute beauté, les stalactites de glace ("istapp" en suédois) peuvent s'avérer incroyablement dangereux. Surtout lorsqu'ils sont accrochés à la gouttière d'un immeuble de 5 étages.
C'est qu'ils se forment vite, les sacripants. Un toit couvert de neige, le chauffage intérieur qui a vite fait de le réchauffer (un degré au-dessus de zéro, pas besoin de plus), des gouttes qui perlent et qui s'enfuient dans les gouttières, et hop, nous voilà avec une sculpture qui, dans son grand élan de bonté, se sent irrésistiblement attirée vers le sol, arrachant parfois au passage ladite gouttière et, dans le pire des cas, blessant voire tuant un passant.
Il faut dire que l'objet peut arriver vite à destination.
Attention cours de mécanique de première (ou de terminale, je ne sais plus très bien)
Si on néglige les frottements de l'air (on peut considérer qu'un gros bloc de glace est un objet massif), notre pic à glace est soumis à une seule force, la gravitation. Donc son accélération (en faisant fi des orientations de vecteurs) est égale à l'accélération de pesanteur g qui, sous nos latitudes nordiques, vaut sensiblement la même chose qu'en France, à savoir, comme chacun le sait GM/R2 (avec G la constante gravitationnelle définie par l'Union Astronomique Internationale comme valant 6.6742 * 10-11 N m2 kg-2, M la masse de la Terre 5,98 * 1024 kg, j'offre un cadeau surprise à toute personne qui est arrivée jusqu'ici sans écarquiller les yeux, et R son rayon égal à 6380 km), en multipliant par l'âge du capitaine, en faisant une intégrale et en tournant 7 fois sa langue dans la bouche, on obtient que la vitesse v (du bloc de glace donc, si jamais vous ne vous souveniez plus de quoi qu'on causait dans le poste) dépend uniquement de la hauteur de l'immeuble, soit :
v2 = 2gh, formule célébrissime démontrée par Galilée ("aimez la science, l'Eglise vous le rendra") qui estomaqua tout le monde en démontrant ainsi que la vitesse de chute ne dépendait pas de la masse de l'objet (toujours en gardant l'hypothèse que l'objet est massif et que les forces de frottements de l'air sont négligeables), si si faites l'expérience, lâchez une bille de métal et une bille de bois de la même hauteur, elles atterriront en même temps.
Bref, tout cela pour dire qu'avec un immeuble de 15 mètres, on obtient une vitesse à l'arrivée d'environ 17 m/s, soit 61 km/h. Ouch. Ça en fait de l'énergie cinétique, pour un objet qui peut parfois être extrêmement lourd (plusieurs kilos).
C'est pour cela que, lorsque la température devient plus douce et favorise les chutes, on voit fleurir des panneaux "is- och snörasrisk" ("risque de chutes de glace et de neige") un peu partout dans les rues.
La loi suédoise est assez stricte sur ce point, c'est le propriétaire de l'immeuble qui est juridiquement responsable de l'entretien de son toit, et qui sera poursuivi en cas d'accident. Ce qui l'oblige régulièrement à faire appel à des entreprises spécialisées dans ce travail (il s'agit grosso modo de monter sur le toit et de faire tomber les stalactites et la neige manuellement).
De mémoire, je crois qu'à Stockholm un enfant est mort à cause d'une chute de stalactite il y a de cela trois ans. Et que, chaque année, de nombreuses personnes sont blessées plus ou moins grièvement. Prudence donc, car pour avoir évité un accident de justesse, je peux vous dire que l'on a tout intérêt à s'éloigner des façades en hiver.