[Stockholm et 32 mois] Genèse.
C'était dans le tram, à Nantes, un soir de septembre 2003. Ligne 1, direction François Mitterrand. Avec Vincent nous allions à l'UGC d'Atlantis voir un film qui ne m'aura apparemment pas marqué. La nuit était tombée depuis un moment et la rame presque vide. Normal, pour un jour de semaine.
La rentrée en deuxième année avait eu lieu une ou deux semaines plus tôt. On sentait déjà pointer en nous les interrogations sur la suite à donner à nos études. Pour certains, ces interrogations trouveraient sans doute réponse dans le retardement de l'entrée dans la vie professionnelle. Comme une envie que tout cela ne s'arrête pas, alors il fallait trouver quelque chose qui fasse un peu vibrer, qui permette encore à la flamme de la jeunesse de briller quelques instants, comme la touche finale d'une enfance trop courte. On entamait pourtant la quatrième année d'études après le bac. Mais non, on n'était pas lassés, même si l'on sentait que cela ne pourrait durer éternellement. Le rite de passage vers l'âge adulte avait commencé tardivement, voire n'avait pas encore commencé. La prépa n'avait sans doute pas aidé à sortir de notre logique de dépendance et d'attentisme, alors on se cherchait un peu, il manquait des pierres à nos personnalités, celle-là même qui nous donne des aspirations. Il nous fallait un déclencheur fort pour rentrer de plain-pied dans cette conscience de soi. Ou alors il faudrait qu'il soit doux et rende ce passage, ce changement de perspective, moins brusque.
A peine deux ans avant de se voir décerné le diplôme d'ingénieur, le temps filait. Et je ne voulais pas m'arrêter là, je voulais me lancer un défi. "Les études, c'est qu'une fois dans la vie", me disait-on. Je pensais déjà à la possibilité de partir, même si, n'ayant pas eu la chance de voyager avant, cela ressemblait à un saut dans le vide. Alors, quitte à ce qu'il soit marqué, autant aller en territoire totalement inconnu. Une savante combinaison de volonté d'apprendre une nouvelle langue, d'étudier dans un domaine nouveau, pourquoi pas d'avoir son premier "vrai" travail à l'étranger... Et surtout, de découvrir, de redécouvrir, de me redécouvrir. De cotoyer des gens de qui j'ai tout à apprendre, ces gens qui m'aideront à comprendre. Cette envie d'aller à un endroit où personne ne vous attend, personne n'a besoin de vous, personne ne se réjouit de votre venue, et, bon gré mal gré, d'y trouver sa place.
Deuxième et avant-dernière année, cette année où il fallait décider quoi faire l'année suivante, rester, partir, bifurquer, choisir. Dans le tram un brin cahoteux, nous parlions de tout cela. C'est environ quatre arrêts avant d'arriver au cinéma que je lui ai dit que, peut-être, j'allais partir à Stockholm. La première fois que je parlais ouvertement de ce projet, alors que j'y pensais et me renseignais depuis un bon moment. En parler à un ami de promotion, juste pour voir, avant de laisser mûrir la chose et d'en parler à sa famille puis aux enseignants.
L'idée était là, il restait encore tout à faire.