Entre deux rives.
Lorsque l'on évolue dans un milieu international, on a toujours tendance à tout comparer. Dire ce qui est mieux ou moins bien, ce qui est plus fonctionnel ou mieux conçu. C'est notamment le cas des langues, inéluctablement.
Réflexion étrange d'un Suédois qui apprend le français. "Oh, la langue n'a à première vue pas énormément de vocabulaire. Énormément de notions différentes sont rassemblées sous la même bannière."
Et de prendre pour exemple le verbe penser. Trois équivalents différents en suédois. Tro, qui joue sur la probabilité. "Je pense qu'il va venir". Tycka, qui joue sur l'opinion. "Je pense qu'il a raison". Tänka, qui joue sur l'action. "Je pense à mon amie". Trois verbes différents bénéficiant d'un même équivalent français. Acquiescant vaguement, je reste un peu sans voix, me disant que le français n'est tout de même pas si pauvre qu'il le prétend. Les exemples ne me sont pas venus à l'esprit, cependant.
Une langue n'est pas qu'un outil de communication. C'est le reflet d'une construction d'esprit, évidemment. Si les uns focalisent sur les différentes manières d'exprimer ce qu'ils pensent, les autres ont énormément plus de mots pour exprimer les sentiments ou les impressions. Ce qui rend l'apprentissage d'une langue plus difficile pour celui qui se borne à reproduire des structures linguistiques qu'il connaît, en ne changeant que le vocabulaire employé.
Des différences de langues qui marquent et forgent les esprits. Je me suis toujours dit que j'avais du mal à exprimer mes sentiments en anglais. À décrire mon état d'esprit. Aucun mal à présenter des faits ou à discuter de l'actualité. Mais un certain sentiment de vide lorsqu'il s'agit de parler de moi. I guess I have to accept that it is related to my lack of proficiency combined with the relatively small number of native English speakers I am used to discussing with...
L'allemand par contre m'a toujours poussé à effectuer des raisonnements logiques, même s'ils sont abstraits. Une place des mots bien déterminée, des verbes qui se retrouvent en fin de phrase, voilà qui marque la manière de penser. C'est un peu pour cela que je me dis que la langue germanique n'est pas pour rien dans le nombre impressionnant de philosophes qui ont pour langage celui de Goethe.
Quant au suédois... Laissez-moi un peu de temps, tout de même.