Analyse suédoise du "non" français au référendum sur le TCE.
On a souvent reproché à la Suède son manque d'implication dans l'Union européenne, que cela soit au niveau de son refus de l'Euro ou du faible sentiment européen régnant généralement chez ses habitants. Et c'est donc avec une certaine surprise que j'ai pu constater l'importance de la couverture que les médias ont faite du refus français du traité constitutionnel européen hier.
Je précise par ailleurs que l'image qui est donnée de ce résultat dans les médias est relativement en opposition avec l'avis général de la population qui, d'après les premiers échos que j'aie pu avoir, se réjouit plutôt de la victoire du "non", celle-ci ouvrant la porte à une série de déconvenues pour le TCE (la première ayant lieu mercredi prochain aux Pays-Bas).
Avant de rentrer dans les détails, une rapide mise en perspective des choses s'impose. La France a encore (pour combien de temps ?) un certain prestige politique en Suède. Un pays des Lumières porteur d'idéaux et important sur la scène internationale. Un pays qui, sous un certain angle, fait encore rêver.
Ouverture du journal du matin de SVT1, première chaîne publique.
L'image de la France en Suède, c'est encore un peu cela. Le choix de La liberté guidant le peuple n'a pas été anodin pour illustrer ce sujet. Une France porteuse de valeurs, une France fondatrice qui devait montrer la voie de l'Europe. Et surmonté de ce "non" tricolore, il fait un peu mal, ce tableau, lorsque l'on connaît tous les symboles qu'il y a derrière. Il fait dire qu'après le 21 avril 2002, cette élection a rajouté une goutte au vase des élections françaises au goût amer. Un vase qui porte en lui un certain nombre de tentatives de renfermement sur soi qui ne sentent pas forcément bon. Passons.
Parmi tous les commentaires qui ont été faits suite à ce résultat, le mot qui revient le plus souvent est "incompréhension". Quelques commentaires cyniques (avec lesquels je suis d'accord) qui disent que la France n'a pas répondu à la question posée. Qu'elle s'est véritablement comportée comme un enfant gâté qui a transformé le sujet du référendum en un plébiscite franco-français contre le gouvernement.
Car voilà. Peur du plombier polonais, du Turc (sic), des lendemains qui déchantent ou de la disparition des acquis sociaux. Une peur à juste titre qualifiée d'irrationnelle, rien dans le texte ne justifiant une telle crainte (si tant est que le texte ait été lu, j'ai de sérieux doutes à ce sujet). Une peur que certains journalistes ont qualifiée de "frilosité politique".
Quelques interviews de sorties d'urnes affligeants ("Monsieur, on peut savoir ce que vous avez voté ?" "La constitution, je ne l'ai pas reçue et je n'ai pas eu le temps d'en chercher un exemplaire à la mairie. Alors j'ai voté "non".") qui donnent une image parfois peu flatteuse des motivations électorales de certains.
J.M. Le Pen : "Sans le Front national le "non" ne peut pas gagner" - D. Strauss-Kahn : "Une mauvaise nouvelle pour l'UE" - J. Chirac : "La France s'est exprimée de manière démocratique" - M. Le Pen : "Ce soir nous avons assisté à une révolution des urnes"
L'impression globale qui se dégage ici est finalement que les Français nous ont fait un joli caca nerveux (vous me permettrez l'expression) qui plonge l'Europe dans une profonde incertitude (pour ne pas dire plus), avec un réveil qui prendra, à n'en pas douter, beaucoup de temps.
Un vote (souvent qualifié de "vote de protestation") franco-français pour emmerder Chirac et les ténors du "oui". Une certaine allégorie de la lutte des petits contre les puissants technocrates qui sont complètement déconnectés des réalités. Un vote égoïste qui met l'Europe dans une belle merde, en tout cas. Un vote égoïste qui se voit dans les journaux qui n'ont l'air de s'intéresser qu'au nom du successeur de Raffarin. La belle affaire. Car dans le reste de l'Europe, savoir qui de Sarkozy ou de De Villepin va récupérer le siège éjectable, on s'en contrefiche.
Finalement, c'est cela. Un vote de gamins qui ont voulu voir jusqu'où ils pouvaient aller. Ce qu'il fallait faire pour obtenir un gros remaniement ministériel.
Göran Persson et Fredrik Reinfeldt.
Du côté de la Suède, le mot qui est revenu le plus souvent dans la bouche du premier ministre Göran Persson (sociaux-démocrates) est "Processen fortsätter" ("le processus continue"), bien qu'il ait trouvé que la décision des Français est "un grand pas en arrière pour l'Europe et ses perspectives de développement". Son futur adversaire Fredrik Reinfeldt (modérés) lors des élections de l'année prochaine est du même avis. En Suède, la ratification se fera au niveau parlementaire, ce qui n'enchante pas une population majoritairement contre le traité. Ce qui donne finalement une image quasiment identique à celle de la France : un parlement majoritairement pour et une population majoritairement contre.
Ce qui me désole le plus, c'est que c'est une image d'une France profondément divisée qui sort de ce résultat. Car si le résultat est net, les raisons du vote ne le sont pas. Quels sont les points communs entre le "non" communiste et le "non" frontiste ? Et quand je lis ces panneaux "Pour une autre Europe" alors je demande : quelle Europe ? Les partisans du "non" vont-ils s'unir pour bâtir un projet commun ?
Je le redis, j'ai n'ai finalement rien contre les vrais opposants à ce traité constitutionnel. J'en veux seulement à tous ces gens dont le vote a été irrationnel, dont les opinions ont été manipulées par des partis ou des associations qui ont proféré d'énormes mensonges. A tous ces gens je pose la question : c'est bien, vous avez gagné. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
Cela dit, merci, en tout cas. Mais la vengeance est un plat qui se mange froid.
Je précise par ailleurs que l'image qui est donnée de ce résultat dans les médias est relativement en opposition avec l'avis général de la population qui, d'après les premiers échos que j'aie pu avoir, se réjouit plutôt de la victoire du "non", celle-ci ouvrant la porte à une série de déconvenues pour le TCE (la première ayant lieu mercredi prochain aux Pays-Bas).
Avant de rentrer dans les détails, une rapide mise en perspective des choses s'impose. La France a encore (pour combien de temps ?) un certain prestige politique en Suède. Un pays des Lumières porteur d'idéaux et important sur la scène internationale. Un pays qui, sous un certain angle, fait encore rêver.
Ouverture du journal du matin de SVT1, première chaîne publique.
L'image de la France en Suède, c'est encore un peu cela. Le choix de La liberté guidant le peuple n'a pas été anodin pour illustrer ce sujet. Une France porteuse de valeurs, une France fondatrice qui devait montrer la voie de l'Europe. Et surmonté de ce "non" tricolore, il fait un peu mal, ce tableau, lorsque l'on connaît tous les symboles qu'il y a derrière. Il fait dire qu'après le 21 avril 2002, cette élection a rajouté une goutte au vase des élections françaises au goût amer. Un vase qui porte en lui un certain nombre de tentatives de renfermement sur soi qui ne sentent pas forcément bon. Passons.
Parmi tous les commentaires qui ont été faits suite à ce résultat, le mot qui revient le plus souvent est "incompréhension". Quelques commentaires cyniques (avec lesquels je suis d'accord) qui disent que la France n'a pas répondu à la question posée. Qu'elle s'est véritablement comportée comme un enfant gâté qui a transformé le sujet du référendum en un plébiscite franco-français contre le gouvernement.
Car voilà. Peur du plombier polonais, du Turc (sic), des lendemains qui déchantent ou de la disparition des acquis sociaux. Une peur à juste titre qualifiée d'irrationnelle, rien dans le texte ne justifiant une telle crainte (si tant est que le texte ait été lu, j'ai de sérieux doutes à ce sujet). Une peur que certains journalistes ont qualifiée de "frilosité politique".
Quelques interviews de sorties d'urnes affligeants ("Monsieur, on peut savoir ce que vous avez voté ?" "La constitution, je ne l'ai pas reçue et je n'ai pas eu le temps d'en chercher un exemplaire à la mairie. Alors j'ai voté "non".") qui donnent une image parfois peu flatteuse des motivations électorales de certains.
J.M. Le Pen : "Sans le Front national le "non" ne peut pas gagner" - D. Strauss-Kahn : "Une mauvaise nouvelle pour l'UE" - J. Chirac : "La France s'est exprimée de manière démocratique" - M. Le Pen : "Ce soir nous avons assisté à une révolution des urnes"
L'impression globale qui se dégage ici est finalement que les Français nous ont fait un joli caca nerveux (vous me permettrez l'expression) qui plonge l'Europe dans une profonde incertitude (pour ne pas dire plus), avec un réveil qui prendra, à n'en pas douter, beaucoup de temps.
Un vote (souvent qualifié de "vote de protestation") franco-français pour emmerder Chirac et les ténors du "oui". Une certaine allégorie de la lutte des petits contre les puissants technocrates qui sont complètement déconnectés des réalités. Un vote égoïste qui met l'Europe dans une belle merde, en tout cas. Un vote égoïste qui se voit dans les journaux qui n'ont l'air de s'intéresser qu'au nom du successeur de Raffarin. La belle affaire. Car dans le reste de l'Europe, savoir qui de Sarkozy ou de De Villepin va récupérer le siège éjectable, on s'en contrefiche.
Finalement, c'est cela. Un vote de gamins qui ont voulu voir jusqu'où ils pouvaient aller. Ce qu'il fallait faire pour obtenir un gros remaniement ministériel.
Göran Persson et Fredrik Reinfeldt.
Du côté de la Suède, le mot qui est revenu le plus souvent dans la bouche du premier ministre Göran Persson (sociaux-démocrates) est "Processen fortsätter" ("le processus continue"), bien qu'il ait trouvé que la décision des Français est "un grand pas en arrière pour l'Europe et ses perspectives de développement". Son futur adversaire Fredrik Reinfeldt (modérés) lors des élections de l'année prochaine est du même avis. En Suède, la ratification se fera au niveau parlementaire, ce qui n'enchante pas une population majoritairement contre le traité. Ce qui donne finalement une image quasiment identique à celle de la France : un parlement majoritairement pour et une population majoritairement contre.
Ce qui me désole le plus, c'est que c'est une image d'une France profondément divisée qui sort de ce résultat. Car si le résultat est net, les raisons du vote ne le sont pas. Quels sont les points communs entre le "non" communiste et le "non" frontiste ? Et quand je lis ces panneaux "Pour une autre Europe" alors je demande : quelle Europe ? Les partisans du "non" vont-ils s'unir pour bâtir un projet commun ?
Je le redis, j'ai n'ai finalement rien contre les vrais opposants à ce traité constitutionnel. J'en veux seulement à tous ces gens dont le vote a été irrationnel, dont les opinions ont été manipulées par des partis ou des associations qui ont proféré d'énormes mensonges. A tous ces gens je pose la question : c'est bien, vous avez gagné. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
Cela dit, merci, en tout cas. Mais la vengeance est un plat qui se mange froid.