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Carte postale suédoise: De l'ethnicisation de la police suédoise.

10 mars 2006

De l'ethnicisation de la police suédoise.

Don't let me come down there - God

Depuis le 1er mars, les policiers suédois peuvent porter, en même temps que leur uniforme, un couvre-chef religieux. Turbans ou voiles discrets sont dorénavant autorisés dans la mesure où leur couleur s'accorde à l'uniforme et leur forme ne gêne ni le mouvement ni le port de l'équipement (les détails de la mesure (Pdf, suédois, 31KB) sont consultables sur le site de la police suédoise). Une mesure qui peut paraître incroyable pour nous Français qui avons banni les signes religieux distinctifs de nos établissements scolaires.

Pour mieux comprendre ce qui a permis d'arriver à une telle mesure, faisons un bref tour d'horizon de la situation en Suède.

Le pays de Nils Holgersson a une ligne de conduite démocratique bien particulière : l'Etat doit être à l'image de la population, à tous les niveaux. C'est ainsi que, puisque la population vivant en Suède est composée de 10% de personnes non suédoises (c'est-à-dire n'ayant pas la nationalité suédoise), environ 10% des députés siégeant au Riksdag (le parlement suédois) sont étrangers (la notion d'ethnicité n'a aucun rapport avec cela, nous parlons bien de nationalité et non pas d'origine). Et puisqu'un certain pourcentage de la population est étudiante ou sans emploi, le même pourcentage doit se retrouver au parlement. Et nous arrivons ainsi à la (presque) parité hommes/femmes, également. Et donc votre serviteur, pour peu qu'il soit inscrit dans un parti politique représenté au parlement, pourrait très bien siéger au parlement. C'est donc cela, la démocratie à la suédoise, un corps politique (plus ou moins) représentatif de la population (j'en connais qui devraient en prendre de la graine, l'idée d'ENA en Suède est un non-sens).

Étendons donc ce principe aux autres corps d'Etat, la police en particulier.

Affiche de police du métro
Une des affiches que l'on peut voir actuellement dans le métro de Stockholm.

Inte för vem som helst.

Visst finns det fördelar med att vara stor och stark, men vi ser hellre att du är rätt person. Mångfald behövs, även inom poliskåren. Att förstå andra kulturer och språk är ett stort plus, likaså att kunna tänka i nya banor. Vi söker inte hårdhudade robotar, utan människor som kan lyssna och resonera. Vi söker blivande poliser som har ett stort hjärta.

Sök polisutbildningen senast den 15 mars.

Välkommen med din ansökan!
Pas pour n'importe qui.

Évidemment, il y a des avantages à être grand et fort, mais nous nous attachons plutôt à ce que vous soyez la bonne personne. Nous avons besoin de diversité, même au sein des forces de police. Comprendre les autres cultures et langues est un énorme avantage, de même que de pouvoir raisonner d'une autre manière. Nous ne cherchons pas des robots à la peau dure, nous cherchons des êtres humains qui savent écouter et raisonner. Nous cherchons de futurs policiers au grand coeur.

Postulez au plus tard le 15 mars.

Votre candidature est la bienvenue!


Un récent rapport a montré que la police suédoise n'était pas à l'image de la population. Et, dans un soucis de n'exclure aucune frange de la société suédoise de la police, il a été décidé d'autoriser les couvre-chefs religieux ou ethniques, pour ne pas empêcher des minorités de postuler. Toujours dans l'idée que la diversité combat la discrimination et est par conséquent bonne pour un corps d'Etat en contact direct avec la population.

Les résultats d'une telle mesure sont évidemment à attendre, je me garderai de tirer des conclusions hâtives. Néanmoins, quelques réflexions à ce sujet.

Nous sommes ici en présence d'une approche diamétralement opposée à l'approche française qui veut que l'uniformité combatte la discrimination. De la même manière que l'on ne doit pas pouvoir savoir quelle est la religion d'un élève d'établissement scolaire, on ne doit pas préjuger de la confession d'un agent de l'Etat, en l'occurence un policier. Cela passe par l'interdiction de signes distinctifs, qu'ils soient vestimentaires ou autres.
En Suède on pense au contraire, dans un élan de compréhension, qu'il faut autoriser les symboles religieux pour ne pas exclure les gens de certains pans de la société. Il est inconcevable qu'une personne ne puisse prétendre à un emploi à cause de ses traditions. C'est ainsi qu'il est très courant de voir dans la rue des femmes voilées de la tête au pieds ou des hommes portant un turban.

Deux schémas entrent donc en opposition. Un schéma français que je dirais intégratif, un schéma suédois que je dirais agrégatif. Lequel convient le mieux au monde d'aujourd'hui ? Lequel portera ses fruits ? Je ne sais pas. Les sociétés française et suédoise sont différentes, les pays et leur histoire le sont tout autant, donc il serait inopportun de vouloir faire des comparaisons. Mes valeurs me font néanmoins naturellement approuver la vision française pour de très nombreuses raisons.

L'uniforme, de par son nom même, gomme les différences. De même que je suis favorable à la réintroduction des uniformes à l'école (gommant les inégalités sociales et les différences ethniques ou religieuses), je suis favorable à des uniformes stricts au niveau des corps d'Etat. Un policier m'arrête dans la rue, je ne veux pas être en mesure de connaître sa confession religieuse. Le contraire aurait pour effet de multiplier les comportements à connotation ethnique et par-là même les bavures, que ce soit dans un sens ou dans l'autre. Mais le caractère suédois plutôt pacifique n'est pas le caractère français, et je me trompe sans doute.

L'idée d'une telle mesure n'est pas nouvelle ni unanimement populaire, on peut retrouver dans les archives des débats du journal de la police des lettres de citoyens plutôt hostiles. Et pour montrer que dans une société, même nordique, contrairement aux clichés, rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir, un morceau choisi dont je me rapproche assez :
[...] Porter l'uniforme confine au devoir.

Porter l'uniforme signifie que mon temps de travail n'est pas un reniement de ma propre personnalité. Cela ne m'empêche pas d'avoir des opinions politiques, des tendances sexuelles ou des croyances religieuses.
Mais toutes les formes d'exclusivité que je présente à mon entourage sont autant de conflits potentiels dans mon travail de policier.

La société s'attend à un policier neutre, et l'uniforme en fait partie.

L'uniforme implique l'uniformité.


Rendez-vous dans quelques années pour le verdict, si verdict il y a.