free web stats
Carte postale suédoise: Arrêtez, on en peut plus...

17 octobre 2006

Arrêtez, on en peut plus...


Un ferry vient de faire sa manoeuvre pour sortir du port, la croisière vers la Finlande peut commencer la buvette peut ouvrir. Ah non, seulement dans 5 heures, le temps que le bateau atteigne des eaux douanistiquement plus favorables. Et oui, je fais des néologismes si je veux, tralala.

Comme on ne bénéficiait pas suffisamment de journaux gratuits de qualité dans le métro le matin, voici que depuis le 2 octobre, on peut avoir le bonheur de lire un troisième bousin en allant au travail, 40 pages ébouriffantes répondant au doux nom de "Punkt SE" ("point se", en référence à l'indicatif Internet de la Suède, .se). Bon alors sans surprise, comme pour les deux autres (1, 2), la seule réelle production de contenu consiste en la couverture (et le courrier des lecteurs aussi, ne soyons quand même pas méchants[1]).

Alors justement donc, la couverture. Avec ses grosses lettres jaunes entourées de noir, pas de doute, on sait d'avance à quoi s'attendre, puisqu'elles trahissent l'appartenance au groupe de l'Aftonbladet, autre journal de qualité, mais cette fois-ci encore un peu plus inférieure puisqu'il faut payer pour avoir le bonheur de le lire. La meilleure acquisition de Schibsted, à n'en pas douter.

Mises à part la pertinence des articles et la brillance du propos, je me suis toujours demandé ce qui caractérisait l'Aftonbladet et son alter ego de qualité au moins égale, l'Expressen. Un site Internet ignoble à rendre un aveugle épileptique ? Des unes qui sentent bon l'honnêteté journalistique (article à venir lorsque j'aurai fini ma collection)? Les mises hors contexte et les récits passionnés systématiques[2] ? Non, au-delà de tout cela, il y a un petit quelque chose que j'aurai mis du temps à trouver. Ce petit truc qui les rapproche du Sun. C'est leur côté "démonstratif" omniprésent.

En suédois, cela se traduit par l'emploi quasi-permanent du mot "här" (qu'on peut tantôt traduire par "ici", tantôt par "voici"). Prenez un crash d'avion. Là où un journal correct mettrait une photo d'un bout d'une aile avec une légende sobre comme "le Boeing 737 de Blabla Airlines transportait 110 touristes grolandais et s'est écrasé en plein coeur de Mufflins", l'Aftonbladet et l'Expressen mettront plutôt une infographie complète du trajet de l'avion, avec une photo aérienne du site encore fumant, les débris entourés d'un cercle rouge pour aider le lecteur à éventuellement apercevoir des bouts de cadavres, accompagnée de la légende "här krashade flygplanet" ("c'est ici que s'est crashé l'avion"). Prenons un autre exemple. De nouvelles mesures fiscales sont mises en place, ce qui fait que certaines personnes verront le montant de leurs impôts réduit. Là où un journal non racoleur titrerait "le point complet sur les nouvelles mesures fiscales", nos deux compères titreront plus volontiers "så här ska din skatt sänkas" ("voici comment vont baisser vos impôts"). Un petit dernier pour la route. Une ministre démissionne (événement tout à fait pris au hasard). Là où on peut voir chez DN ou SvD des photos de ladite ministre légendées "X démissionne", chez les deux autres on voit plutôt une photo d'une personne de dos en train d'ouvrir une porte, légendée "här avgår X" ("c'est à cet instant (précis) que X démissionne"). Et sans oublier aussi la photo de ce joueur de foot qui a le tibia en angle droit avec pour gros titre "c'est à cet instant que X se casse la jambe".

Bon cela dit Punkt SE fait mieux que la concurrence car il contient 3 grilles de sudoku.


[1] C'est très Web 2.0 en fait les journaux gratuits, on ne produit rien, on héberge le contenu des autres (courrier des lecteurs, dépêches d'agences, sondages) et on se fait de l'argent dessus en rajoutant de la pub. Pouf pouf. Alors par contre leur site web il est plutôt 0.2, lui.

[2] Typiquement ça se passe au niveau du récit des faits. Là où un journal honnête aurait titré "le ministre X a été contrôlé à Y km/h au-dessus de la limite autorisée", ces journaux titreront "X met en danger la vie de nos enfants en roulant à tombeau ouvert", utilisant l'émotion et disant clairement au lecteur quoi penser, alors qu'il aurait très bien pu le faire tout seul avec un simple rapport d'information.