free web stats
Carte postale suédoise: Sonate pour flûte et piano de Francis Poulenc.

1 juillet 2005

Sonate pour flûte et piano de Francis Poulenc.

Partition de la Sonate pour flûte et piano.

Parmi les oeuvres pour flûte auxquelles je tiens beaucoup se trouve la Sonate pour flûte et piano de Francis Poulenc, écrite entre 1956 et 1957. Un son original qui démarque cette pièce du reste du répertoire pour flûte traversière. Une mélodie qui doute, des notes incongrues (extraits à écouter ici (en Real Audio, malheureusement) ou (Real Audio également, mais par Julius Baker, grand soliste à Chicago et contemporain de Poulenc)).

Au-delà de la musique, cette oeuvre est marquée de la passion d'un homme pour les instruments à vent (Poulenc écrira dans la foulée sa Sonate pour clarinette et piano qui est également remarquable) et par-dessus tout d'une douce mélancolie qui contredit un peu l'ironie qui habitait Poulenc.

L'oeuvre est "dédiée" à Madame Elizabeth Sprague Coolidge, créatrice de la fondation qui porte son nom. Sa collection témoigne de son support pour les musiciens du début du vingtième siècle (les artistes étaient payés en échange de leurs manuscrits, les pièces de la collection sont conservées de nos jours à la bibliothèque du Congrès américain). De nombreux livres sur Poulenc décrivent ainsi cette sonate pour flûte comme un hommage musical à la mécène disparue. Mais là où le bât blesse, c'est que la version de Poulenc est tout autre.

Dans l'autobiographie de Jean-Pierre Rampal[1] (grand ami de Poulenc), on trouve ces quelques lignes transcrites d'un appel téléphonique que le compositeur donna au flûtiste juste après la commande passée par la fondation qui voulait donc rendre hommage à Madame Coolidge (et qui paya pour l'oeuvre une jolie somme) :

"Jean-Pierre, dit Poulenc, vous avez toujours désiré que j'écrive une sonate pour flûte et piano ? Et bien, je vais le faire et le meilleur c'est que les Américains vont me payer pour cela ! J'ai reçu une commande de la Fondation Coolidge pour écrire une pièce de musique de chambre à la mémoire d'Elizabeth Coolidge. Je ne l'ai jamais connue, j'estime donc que la pièce vous appartient."

Poulenc toucha en effet 750$ (une jolie somme pour l'époque) pour écrire cet "hommage".

C'est tout à coup un masque qui tombe. Qui désacralise un peu la musique et qui montre qu'un compositeur est avant tout un homme qui peut faire preuve d'ironie (de manque de reconnaissance diront certains) et qui fait parfaitement la différence entre la façade que montre la musique et sa genèse réelle.

Pas grand-chose à voir mais sur la pochette du CD Deutsche Grammophon figure un tableau de Fernand Léger, Les loisirs (1949). Un beau choix. Parfaitement dans l'esprit de la musique de Poulenc.

[1] Jean-Pierre Rampal,
Music, My Love: An Autobiography with Deborah Wise (New York, Random House, 1989).