Stylismes.
A chaque époque ses styles.
J'ai toujours été étonné par la volonté des régions, des départements et des villes, de se munir d'un logo qui change avec le temps. Comme des marques commerciales auxquelles on associerait des notions de meilleure "visibilité", "reconnaissance" ou "lisibilité". La volonté de se démarquer des traditionnels blasons, la volonté de payer une agence de comm' qui va vous expliquer que votre logo représente maintenant la fusion des synergies du département, ainsi que l'eau et la montagne si caractéristiques de notre belle contrée, et puis une vague qui traduit le dynamisme ainsi que la mer, la mer qui n'existe que dans notre région... Bref, prenons l'exemple du département depuis lequel j'écris ce billet à l'instant, la Seine-Maritime. Département qui s'appelait à l'origine la Seine-Inférieure mais dont on a changé le nom en 1955 pour ne pas froisser les susceptibilités.
Le "blason départemental" [1] créé en 1950, à gauche, reprend le blason de la Normandie, à savoir deux léopards. On y trouve une vaguelette représentant sans doute à la fois les méandres de la Seine et les vagues de la Manche. Vaguelette de couleur blanche qui traduit peut-être l'attachement de l'endroit au Roi de France, mais c'est une supposition de ma part. Il n'a jamais été adopté par le Conseil Général qui lui a préféré, comme la plupart des autres départements, un logo plus "moderne", en tout cas plus commercial.
Le précédent logo du Conseil Général (au centre), remplacé en 2005 par le logo de droite, a typiquement un style des années 70. Géométrique, de grandes lignes, des couleurs basiques qui font ressembler ce logo à celui de la direction départementale de l'équipement (je passerai évidemment sur le SM, mais avouez tout de même que ça a une certaine classe). La personne qui a créé le logo vous dira avec emphase que le bleu symbolise la mer, que le vert symbolise les champs si caractéristiques du département, le tout fusionnant harmonieusement en une explosion de jaune ("l'alliance subtile de la mer et de la terre, vous voyez"). Parce que non, le jaune, ce n'est pas le sable séparant la mer de la terre au niveau des falaises d'Etretat, vu que, tout au long de la côte, c'est à des plages de galets que vous avez affaire.
Personnellement, je trouve que le M a des allures d'Everest (je sais bien que les falaises sont impressionnantes, mais tout de même), que le S a des allures d'autoroute à quatre voies serpentant à travers le bocage, mais bon. Je n'étais pas particulièrement enthousiasmé par ce logo, mais je n'avais pas encore vu son successeur qui me le fait regretter.
"Seine-Maritime - Le département". Un peu comme "Spiderman - The movie", si vous voulez. Un peu trop de pronoms définis, c'est à la mode depuis quelques années. Et puis en soi, Seine-Maritime, ça n'est justement rien d'autre qu'un département. Bref, venons-en au logo lui-même.
Alors que je me moquais gentiment des régions qui se décrivent par des allusions tellement banales et communes (la mer, la campagne...), là, on atteint des sommets. Décidément, la Seine-Maritime adore l'équipement et les transports, puisque cette fois-ci on a affaire à un panneau routier "attention, enfants" [2]. Il faudra que je regarde les chiffres de la démographie en France, mais je ne savais pas que la Seine-Maritime était le seul département de France où il y a des enfants, enfants qui de surcroît sont pleins de vie. Enfin, paraît qu'on veut, à travers ce logo, ne pas voir que le territoire, mais également l'institution, l'entité humaine que représente le département. Remettre en avant la dimension humaine. Pourquoi pas, mais qu'un seul département s'arroge cela, c'est tout de même curieux.
Venons-en à Rouen.
Contrairement au département, le blason historique a toujours eu une valeur pour la ville. De la même manière que Nantes et Paris ont leur bâteau, Lyon a son lion d'argent, Caen son papier (oui, je sais, ce jeu de mot est minable), Rouen a son agneau pascal (adopté vers 1250, du temps où l'évêché a voulu se débarrasser des léopards vikings en réintroduisant un symbole chrétien, tout en saluant la tradition drapière de la région).
Le monument le plus célèbre de la ville, le Gros-Horloge (XIVe siècle), est affublé des armoiries de la ville.
Puis, encore une fois, sont arrivées les années 70. Stylisation à tout crin, modernisme et béton (ah, ces années Pompidou qui ont apporté tant de béton dans les villes...). Un R qui décrirait un méandre de la Seine (élargissement à gauche, on approche de l'estuaire...). Bon, un R qui pourrait représenter Rodez, Royan ou Rennes, mais on va pas chipoter.
Retour aux sources pour le nouveau logo présenté en 2003. J'avoue que je l'adore. Et j'espère qu'il restera.
[1] Les "blasons départementaux" ont été proposés plus ou moins arbitrairement par des associations spécialisées dans l'héraldique dans les années 1950. Ils sont en général peu reconnus par les départements (et c'est le cas de la Seine-Maritime) du fait de leur manque d'enracinement au niveau local, étant donné que le département est une circonscription administrative relativement nouvelle sous sa forme actuelle. La légitimité du blason revient plutôt à la "région historique" (qui ne correspond pas forcément à la région administrative telle qu'on la connaît aujourd'hui, c'est le cas de la Normandie qui existe "historiquement", mais qui, administrativement, se décompose en Basse-Normandie et Haute-Normandie). C'est d'ailleurs pour cela que, généralement, ce sont les seuls drapeaux "historiques" que l'on trouve sur les bâtiments officiels, même s'ils n'ont aucune valeur "administrative".
[2] Vous savez si la version "la grande soeur tient la main du petit frère" existe, ou alors le petit frère, contrairement à la petite soeur, se débrouille toujours tout seul comme un vrai homme ?
J'ai toujours été étonné par la volonté des régions, des départements et des villes, de se munir d'un logo qui change avec le temps. Comme des marques commerciales auxquelles on associerait des notions de meilleure "visibilité", "reconnaissance" ou "lisibilité". La volonté de se démarquer des traditionnels blasons, la volonté de payer une agence de comm' qui va vous expliquer que votre logo représente maintenant la fusion des synergies du département, ainsi que l'eau et la montagne si caractéristiques de notre belle contrée, et puis une vague qui traduit le dynamisme ainsi que la mer, la mer qui n'existe que dans notre région... Bref, prenons l'exemple du département depuis lequel j'écris ce billet à l'instant, la Seine-Maritime. Département qui s'appelait à l'origine la Seine-Inférieure mais dont on a changé le nom en 1955 pour ne pas froisser les susceptibilités.
Le "blason départemental" [1] créé en 1950, à gauche, reprend le blason de la Normandie, à savoir deux léopards. On y trouve une vaguelette représentant sans doute à la fois les méandres de la Seine et les vagues de la Manche. Vaguelette de couleur blanche qui traduit peut-être l'attachement de l'endroit au Roi de France, mais c'est une supposition de ma part. Il n'a jamais été adopté par le Conseil Général qui lui a préféré, comme la plupart des autres départements, un logo plus "moderne", en tout cas plus commercial.
Le précédent logo du Conseil Général (au centre), remplacé en 2005 par le logo de droite, a typiquement un style des années 70. Géométrique, de grandes lignes, des couleurs basiques qui font ressembler ce logo à celui de la direction départementale de l'équipement (je passerai évidemment sur le SM, mais avouez tout de même que ça a une certaine classe). La personne qui a créé le logo vous dira avec emphase que le bleu symbolise la mer, que le vert symbolise les champs si caractéristiques du département, le tout fusionnant harmonieusement en une explosion de jaune ("l'alliance subtile de la mer et de la terre, vous voyez"). Parce que non, le jaune, ce n'est pas le sable séparant la mer de la terre au niveau des falaises d'Etretat, vu que, tout au long de la côte, c'est à des plages de galets que vous avez affaire.
Personnellement, je trouve que le M a des allures d'Everest (je sais bien que les falaises sont impressionnantes, mais tout de même), que le S a des allures d'autoroute à quatre voies serpentant à travers le bocage, mais bon. Je n'étais pas particulièrement enthousiasmé par ce logo, mais je n'avais pas encore vu son successeur qui me le fait regretter.
"Seine-Maritime - Le département". Un peu comme "Spiderman - The movie", si vous voulez. Un peu trop de pronoms définis, c'est à la mode depuis quelques années. Et puis en soi, Seine-Maritime, ça n'est justement rien d'autre qu'un département. Bref, venons-en au logo lui-même.
Alors que je me moquais gentiment des régions qui se décrivent par des allusions tellement banales et communes (la mer, la campagne...), là, on atteint des sommets. Décidément, la Seine-Maritime adore l'équipement et les transports, puisque cette fois-ci on a affaire à un panneau routier "attention, enfants" [2]. Il faudra que je regarde les chiffres de la démographie en France, mais je ne savais pas que la Seine-Maritime était le seul département de France où il y a des enfants, enfants qui de surcroît sont pleins de vie. Enfin, paraît qu'on veut, à travers ce logo, ne pas voir que le territoire, mais également l'institution, l'entité humaine que représente le département. Remettre en avant la dimension humaine. Pourquoi pas, mais qu'un seul département s'arroge cela, c'est tout de même curieux.
Venons-en à Rouen.
Contrairement au département, le blason historique a toujours eu une valeur pour la ville. De la même manière que Nantes et Paris ont leur bâteau, Lyon a son lion d'argent, Caen son papier (oui, je sais, ce jeu de mot est minable), Rouen a son agneau pascal (adopté vers 1250, du temps où l'évêché a voulu se débarrasser des léopards vikings en réintroduisant un symbole chrétien, tout en saluant la tradition drapière de la région).
Le monument le plus célèbre de la ville, le Gros-Horloge (XIVe siècle), est affublé des armoiries de la ville.
Puis, encore une fois, sont arrivées les années 70. Stylisation à tout crin, modernisme et béton (ah, ces années Pompidou qui ont apporté tant de béton dans les villes...). Un R qui décrirait un méandre de la Seine (élargissement à gauche, on approche de l'estuaire...). Bon, un R qui pourrait représenter Rodez, Royan ou Rennes, mais on va pas chipoter.
Retour aux sources pour le nouveau logo présenté en 2003. J'avoue que je l'adore. Et j'espère qu'il restera.
[1] Les "blasons départementaux" ont été proposés plus ou moins arbitrairement par des associations spécialisées dans l'héraldique dans les années 1950. Ils sont en général peu reconnus par les départements (et c'est le cas de la Seine-Maritime) du fait de leur manque d'enracinement au niveau local, étant donné que le département est une circonscription administrative relativement nouvelle sous sa forme actuelle. La légitimité du blason revient plutôt à la "région historique" (qui ne correspond pas forcément à la région administrative telle qu'on la connaît aujourd'hui, c'est le cas de la Normandie qui existe "historiquement", mais qui, administrativement, se décompose en Basse-Normandie et Haute-Normandie). C'est d'ailleurs pour cela que, généralement, ce sont les seuls drapeaux "historiques" que l'on trouve sur les bâtiments officiels, même s'ils n'ont aucune valeur "administrative".
[2] Vous savez si la version "la grande soeur tient la main du petit frère" existe, ou alors le petit frère, contrairement à la petite soeur, se débrouille toujours tout seul comme un vrai homme ?