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Carte postale suédoise: Une main pour les distinguer tous.

12 janvier 2005

Une main pour les distinguer tous.

Main gauche, stylo plume.

On cherche toujours ce qui nous distingue des autres. Ce qui nous rend différent. Au fur et à mesure du temps, on tente de trouver ces petites spécificités, ces dons qui font de soi quelqu'un qui se distinguerait d'une masse de personnes que l'on jugerait semblable. Pour moi, cela n'a pas été particulièrement difficile, puisqu'une part de cette "unicité" m'a affublé dès la naissance.

Comme environ 10% de la population, je suis gaucher. Pour écrire, manger, jouer au football, prendre un verre. Cette main gauche dominante qui permet de tout faire, voilà sans doute la première chose que l'on remarque lorsque l'on est enfant. Cette satanée écriture si difficile à acquérir, cette encre qui sèche trop lentement et qui génère nombre de bavures sur des cahiers qui se doivent d'être immaculés, ces règles graduées de gauche à droite et qui obligent à tracer une ligne à partir de la fin, ces ciseaux récalcitrants... Quand on est petit on la maudit, cette main. On ne maudit pas encore tous ces outils qui ont été faits pour la majorité. On peste un peu contre ces gens qui vous tendent les objets en direction de votre main droite, on regarde naïvement ces remontoirs de montre, on s'amuse à changer de côté les souris sur les postes informatiques en libre-service...

Puis vient l'heure de la surprise. On surprend les copains au tennis de table, on tire du pied gauche (et du droit également, une fois que le gardien de but adverse vous a repéré). On se demande s'il faut choisir une guitare pour gaucher ou droitier... Et on se dit que finalement c'est bien, d'être gaucher. On se plaît à inventer des accessoires pour gauchers (comme la tasse avec l'anse à gauche, ma grande invention). On s'amuse comme on peut.

Des fois on se demande si tout cela ne va pas trop loin. Car les gauchers semblent former une communauté invisible. Une communauté de personnes qui savent ce qu'elles endurent parfois et qui s'entraident. Dans un train entre Nantes et Paris, je peste contre mon stylo qui n'écrit pas et je m'apprête à en prendre un autre. Cette personne qui me tend le sien et me dit, constatant ma surprise de me voir ainsi offrir ce stylo : "Il faut bien s'entraider entre gauchers".

Quelquefois je m'amuse à compter mes coreligionnaires. Je remarque des choses étranges. Une grande proportion de gauchers dans les études scientifiques en France, pratiquement aucun en Suède. Je regarde ces listes idiotes de gauchers célèbres. Comme si cela pouvait influencer notre devenir. De ces théories qui nous donneraient des handicaps et certaines prédispositions. Une spécificité qui éveillerait en nous une capacité de lutte permanente et nous apprendrait à mieux aborder les situations difficiles. Une minorité silencieuse qui cultiverait le refus de la facilité, somme toute.

Et la blogosphère ? Quelle est la main qui la dirige ? Je serais bien curieux de le savoir...