Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré : le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable.
Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être.
Un éperon rocheux situé à l'extrême-sud de la Bavière, à la frontière autrichienne. Au milieu de la forêt, au flanc de ces magnifiques montagnes peu hautes mais très abruptes. Cadre somptueux, neige féérique propice à la rêverie, chemin pentu serpentant dans les bois, cascade vertigineuse, le romantisme allemand dans ce qu'il a de plus grandiloquent. Il ne manque sans doute plus que la pompière ouverture de Tannhäuser pour compléter le tableau.
La visite de Neuschwanstein laisse une impression bien singulière. Un sentiment se situant à mi-chemin entre la fascination et la pitié. Prague, Neuschwanstein, stations de correspondance entre l'être et l'oubli.
Bien des choses ont été écrites sur ce château ainsi que sur Louis II de Bavière. Rêve néogothique d'un homme en mal d'histoires, fou très certainement. Malheureux, évidemment.
Commencée en 1869, la construction du château dura quatorze ans, jusqu'en 1886, à la mort de Louis II. Techniques modernes (marbre et autres pierres montés au château à l'aide de grues à vapeur, bureau de Louis II relié à la poste du village en contrebas par le téléphone...) pour cet édifice largement inspiré du Viollet-le-duc-isé château de Pierrefonds, fresques criardes à la gloire des légendes moyennâgeuses (Parsifal, Siegfried, Tristan et Isolde), obsession pour les cygnes et salle du trône à la coupole dorée, finalement très symbolique du lieu et de son unique habitant puisqu'elle n'aura jamais accueilli de trône.
Louis II ne verra en effet jamais son rêve d'enfant achevé, puisque, criblé de dettes et sombrant dans la folie, il sera destitué en 1886, quelques jours seulement avant sa mort mystérieuse dans le lac de Starnberg, alors que de nombreuses pièces du château étaient encore en construction. Ce dernier sera ouvert aux visites dès cette année, pour éponger les dettes laissées par le souverain. Immédiatement transformé en kitsch, finalement.
La visite d'un lieu aussi singulier que celui-ci, un lieu à lire sans doute au second degré, comporte évidemment son lot de petites perles, japonaises et américaines pour la plupart. Il y a cette touriste émerveillée, "This castle's amazing, it's so European", la main posée sur cette colonne celtique tellement proprette en béton armé. Il y a ce touriste japonais, triste de constater qu'au final peu de pièces ont été achevées, et qui demande à l'accueil pourquoi ils n'ont pas continué la construction après la mort du roi, pour les touristes.
La grotte artificielle dans laquelle Louis II se plaisait à incarner Tannhäuser entrant dans la grotte de Vénus sur sa barque tirée par des cygnes, le tout évidemment sur la musique de Wagner, se trouve quant à elle sous le château de Linderhof, à quelques dizaines de kilomètres de Neuschwanstein. Tout concentrer dans le même château, ça n'était sans doute pas très raisonnable.
A l'horizon, le Tyrol et Innsbruck. Autant vous dire que dans les têtes, Paris était trèèèèèès loin.
L'estomac encore secoué par le Kaiserschmarrn d'Oberau, le Glühwein de Munich et les cerises à l'eau de vie de Garmisch, c'était non sans une certaine émotion teintée de curiosité que je partais redécouvrir fin décembre les pistes enneigées d'Arlanda.
La joie d'aller au Pressbyrån après avoir récupéré les bagages, de lire les quatrièmes de couverture des Månpockets (*), d'acheter les billets d'autobus pour le centre-ville (en suédois de bout en bout sans remarque sur mon accent rouillé siouplaît, avec une conversation durant très longtemps du fait que la machine ne fonctionnait pas). Ces odeurs de grillkorv et de bullar me réjouissaient presque, évidemment davantage par les souvenirs qu'elles évoquaient que par l'appétit qu'elles aiguisaient en moi.
Stockholm n'a que peu changé. Si ce n'est ce bâtiment habillé de grandes feuilles de métal à la sortie de la gare, les tickets de métro magnétiques qui ont laissé la place à un équivalent d'Oyster, ou ces autres détails qui n'ont pas altéré la perception que j'avais de la ville et de son esprit.
J'ai cependant encore du mal à savoir si je me suis senti à nouveau chez moi. Quatre années se sont écoulées, la ville est restée semblable, la télévision a passé les mêmes programmes, les gens n'ont pas déménagé, mais le monde a entretemps changé. Apprendre, grandir, changer. Moi comme mes amis et anciens collègues, et ce dans de nombreuses directions. Nous parlions à l'époque de ce que nous allions faire après les études, des nos rêves candides, de ces modèles de vie naïfs que nous avions en tête, je parle à présent de marchés financiers, de bouquins lus dans le métro, de voyages en Turquie, de concerts, le tout en passant mon temps à me plaindre que je manque de temps.
A mon retour du nord, mon ordinateur a alors décidé (après moult signes avant-coureurs, certes) de ne plus fonctionner. Présence d'esprit d'avoir fait des sauvegardes des photographies de ces quatre dernières années, me voilà en tout cas moins proche du monde en ligne depuis quelque temps (nous remercierons néanmoins M. iPhone de me permettre de prouver aux gens éloignés que je ne suis pas encore mort). Et surtout, aujourd'hui mis à part, dans l'impossibilité de transférer et publier les photographies prises récemment. Pech, il va encore falloir investir.
Patton n'avait eu de cesse de le rappeler. No son of a bitch ever won a war by dying for his country, you win a war by making what it needs so that the son of a bitch in front of you die for his country.
En tout cas vous me rappellerez de vous raconter la visite de Neuschwanstein, c'était lunaire.
(*) J'ai fini par craquer et acheter un roman de gare, Östermalmsmorden. Il m'a permis d'apprendre le mot "slyna", que je ne connaissais pas du tout.
Comme les saumons remontant à leur cours d'eau natal... Ah non c'est vrai, il n'y a maintenant plus beaucoup de saumons dans la Baltique.
Nous disions donc, en ce jour particulier de Sainte-Lucie, les appel du pin et du bouleau se faisant de plus en plus insistants, c'est avec une émotion non dissimulée que je vous annonce que je retournerai dans trois semaines en terres stockholmoises pour passer le nouvel an.
Feux d'artifice illuminant l'archipel sur les coups de minuit, fjortisar passablement éméchés, Nynäshamn, Sigtuna, lussekatter et Janssons frestelse, rendez-vous déjà pris, voir ce qui a changé.
Bientôt quatre ans, et pourtant toujours aussi vivace dans mon esprit.
C'était une vieille blague qui circulait dans l'ex-RDA au sujet d’un ouvrier allemand qui trouve du travail en URSS. Conscient du fait que son courrier serait lu par la censure, il explique à ses amis : "Établissons un code : si vous recevez de moi une lettre à l’encre ordinaire, bleue, je dis la vérité ; si elle est écrite à l’encre rouge, je mens." Un mois plus tard, ses amis reçoivent la première lettre, écrite à l’encre bleue. "Tout est parfait ici, les magasins sont approvisionnés, la nourriture est abondante, les logements spacieux et chauffés, au cinéma on joue des films de l’Ouest, les filles sont nombreuses et peu farouches – la seule chose qui manque, c’est de l’encre rouge."
Aujourd'hui, je suis allé au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, au sud de Paris. Une atmosphère particulière, croix orthodoxes et médailles de guerre conférant au lieu une identité forte. Les tombes d'un certain nombre de dissidents soviétiques s'y trouvent, au premier rang desquelles la tombe catafalque de Rudolf Noureev.
Un très joli kilim en mosaïque qui donne l'impression de recouvrir un cercueil en lévitation - légèreté du danseur, sans doute.
En parlant de kilim, je pars pour Istanbul dans quelques jours. Et c'est à l'encre bleue que je vous avoue que l'idée de voir le Bosphore me réjouit terriblement.
Il est écrit qu'à chacun de mes anniversaires, il se passe quelque chose.
Quand j'étais petit c'était les révisions et les épreuves du bac. En 2002, les oraux des concours. En 2006, la naissance officielle de l'entreprise créée en Suède. En 2007, le jour de mes 25 ans, j'obtenais un appartement à Paris.
Et donc cette année, le jour de mon anniversaire, j'ai décroché un nouveau poste. Skål.
Rouen, le pont Flaubert soulève ses tabliers pour laisser passer le Belem, en escale pour quelques jours à nouveau. Quand je vous disais qu'à chaque fois que je retourne en Normandie dorénavant, il fait un temps fabuleux.
Je n'ai pas grand chose sur quoi m'épancher dans ces pages en ce moment, mais je me devais évidemment de vous signaler la sortie récente de Farväl Falkenberg en France (traduit par l'éditeur en Adieu Falkenberg, et oui, ça fait bizarre...), l'un de mes films suédois favoris, sorti en 2006, et dont j'ai pu parsemer ce blog de morceaux à l'occasion.
Un été suédois. Ça donnerait presque des envies...
La ville aux 100 clochers demeure toujours ancrée dans mon coeur, que ce soit à cause
de ses ruelles moyenâgeuses ou de son histoire meurtrie. Une belle cité qui mériterait qu'on
lui prête un peu plus d'attention...
Malgré un passage relativement furtif dans la Cité des Ducs (à peine 2 ans), je
garde un souvenir vif de cette ville dynamique, ouverte sur le monde et terriblement
attachante... Une future très grande métropole. Une ville où j'aurai sans doute tourné parmi les
plus belles pages de ma vie...