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Carte postale suédoise: décembre 2006

20 décembre 2006

Goût de Jul.

Une semaine de vacances en France, départ demain. En attendant, résumé de la semaine passée en images.

Sapin au sommet d'une grue.
De la fenêtre de mon bureau, un chantier chez les voisins d'Ericsson. Et comme c'est souvent le cas à l'approche de Noël, un sapin au sommet d'une des grues.

Une de The Economist. Why ethical shopping harms the world.
Dans les salles d'attente des entreprises, on trouve plein de journaux qui ne sentent vraiment pas bon. Pour celui-ci, j'hésite entre les qualificatifs "vomitif", "racoleur", et "putassier" (encore que, le contenu de l'article correspond vraiment à la Une, donc "vomitif" est sans doute celui qui lui sied le mieux...). Je continuerai de plus belle à acheter des produits locaux ou issus du commerce équitable (même si pratiquement aucun label de commerce équitable n'est distribué en Suède).

Avant d'un bus.
SL (la RATP stockholmoise, avec des statuts différents cependant) à la une de l'actualité en ce moment. Éviction (avec un parachute en bronze) de son PDG Lennart Jangälv. Énième hausse des prix, avec le retour brutal de la tarification par zones, faisant augmenter le prix de certains voyages de 450% (vous avez bien lu). Les banlieusards peu fortunés apprécieront, d'autant plus que le péage urbain (auquel je suis à 100% favorable à la condition que les prix des transports en commun baissent) fait son retour en 2007. La seule chose qui est en baisse, c'est la qualité du service, avec des métros constamment en retard (et pas que les jours de neige). On en vient parfois à regretter le métro parisien, ultra-bondé mais ponctuel.

Dédicace.
Comment un célèbre écrivain suédois (tout du moins en Suède) change la langue de sa dédicace lorsque vous lui dites votre prénom. La première personne qui devine de qui il s'agit...

Bref, bonnes fêtes de Noël à toutes et à tous !

17 décembre 2006

? ! ; :

Il y a quelque temps de cela (un temps que les moins de ... , vous savez, l'époque à laquelle j'avais des choses à dire), des petits malins s'amusaient à m'écrire, par commentaire ou par courrier électronique, à chaque fois qu'ils trouvaient des fautes de grammaire / orthographe / syntaxe dans mes billets. "Parce que tu comprends, tu fais peu de fautes alors c'est relativement jouissif de te les signaler". Grâce leur soit rendue, j'ai toujours tenu à ce que les billets de ce carnet soient à peu près bien écrits, c'est d'ailleurs en partie la raison pour laquelle je l'avais ouvert (ce carnet, pas ma gueule, sinon j'aurais écrit "ouverte"), pour me forcer à écrire "de vraies phrases intelligibles", à une époque où l'on écrit de moins en moins de lettres, et où la communication se déroule la majeure partie du temps "à chaud", que cela soit au téléphone ou par courrier électronique, en ne prenant pas le temps de "poser ses mots", en écrivant bien souvent comme on parle. Et puis, en vivant à l'étranger, on perd vite les réflexes idiomatiques, les tournures spécifiques, les constructions et les règles uniques qui font que le français n'est pas le suédois ou l'anglais. Même si j'ai pourtant davantage tendance à favoriser la compréhension mutuelle que la formulation pure.

Parmi les règles typiquement françaises, j'adore celle qui a trait à l'espace insécable en ponctuation. Et qui n'existe ni en suédois, ni en anglais, ni en allemand, ni en espagnol.

Résumée simplement, elle dit que l'on doit mettre un espace devant les symboles de ponctuation dit "doubles" (point d'exclamation, point d'interrogation, point-virgule, deux-points). A savoir que l'on écrit "bonjour !" et non pas "bonjour!", "des questions ?" et non pas "des questions?".

Je l'aime bien, cette règle. Simple mais jolie, facilitant la lecture puisqu'aérant le texte. Et puis parce que j'adore pinailler, mais ça, vous avez dû vous en rendre compte.

11 décembre 2006

Monsieur de Saint-George.

Le Chevalier de Saint-George (ou Saint-Georges, je ne suis pas parvenu à trouver avec certitude la graphie correcte) est un personnage singulier. Tout d'abord parce que c'est un intermittent de l'histoire. Très connu en son temps, jeté aux oubliettes à l'époque napoléonienne en raison du rétablissement des lois racistes, puis ressuscité récemment, à la toute fin des années 90, à la faveur des premiers enregistrements de sa musique sur disque compact. Je me souviens d'ailleurs d'une campagne de promotion un peu nauséabonde, puisqu'elle s'appuyait largement sur le fait que Saint-George était noir (insistant sur le côté "première", puisque si les enregistrements ne sortaient que maintenant, c'est que le personnage et ses partitions avaient été mis à la trappe du fait même de sa couleur de peau [*]), mettant l'aspect "politique" en avant par rapport à l'aspect purement musical de l'oeuvre. Avec des qualificatifs peu reluisants comme "le Mozart noir". Sachant que Wolfgang Amadeus s'était paraît-il largement inspiré des accords de Saint-George (qui sont d'ailleurs chronologiquement antérieurs), vous apprécierez la perfidie du qualificatif.



Extrait du premier mouvement du concerto pour violon Opus 4 en ré majeur.

Malgré les nombreuses zones d'ombre de sa biographie, tout le monde s'accorde sur le fait que le personnage a eu une vie extraordinaire. Origines "embarrassantes" pour l'époque, puisqu'il est le fruit de la liaison hors-mariage d'un riche propriétaire terrien en Guadeloupe et d'une esclave d'origine africaine. Singularité renforcée par le fait que la liaison en était vraiment une, dans la mesure où sa mère a vraiment fait partie du cercle familial aux côtés de l'épouse "légitime" de Saint-George père, et ce malgré les règles de l'époque qui auraient voulu que l'esclave noire (pléonasme)(sic) soit, suite à la naissance de son fils, reniée (voire avortée de force et tuée), puis que Saint-George lui-même soit éloigné et bien sûr renié. Or, c'est tout le contraire qui se passe. Suite aux problèmes de son père en Guadeloupe, Saint-George rejoint la métropole avec sa mère et l'épouse de son père, et reçoit une éducation très soignée, à base de musique et d'escrime. Disciplines dans lesquelles Saint-George excelle, au grand dam de ses camarades un peu plus blancs que lui. Ses nombreux talents lui permettent d'être régulièrement introduit auprès des personnages importants de la cour (il deviendra un confident de Marie-Antoinette) et de l'aristocratie parisienne. Il est amusant de noter que sa perte ne viendra finalement pas de sa condition, mais de son penchant trop royaliste dans une époque où la France commençait à avoir une idée du mot "démocratie".

Initié franc-maçon, membre important de la cour, chef d'orchestre, maître d'escrime, aspirant-directeur de l'opéra royal, propriétaire d'un somptueux hôtel particulier à Paris. Qualificatifs classiques que l'on pourrait, par honnêteté, faire précéder de la mention "premier noir". Bref, parcours ordinaire d'un noble pas très ordinaire.

Et la musique dans tout ça ? Champagne et paillettes pour une musique aux accents effectivement très classiques, la similarité avec le prodige autrichien sautant vraiment aux oreilles. N'étant pas particulièrement friand des accords extrêmement prévisibles propres à la musique de cette époque, musique qui n'évoque en moi que peu de sentiments, je ne me prononcerai pas. Mais d'aucuns murmurent que c'est un son des plus délicieux.

Sources :

Le chevalier de Saint-George, compositeur afro-français

Association "Le concert de Monsieur de Saint-George"


[*] Et des influences des "grands esprits" de l'époque qui légitimaient "l'inégalité entre les races", Voltaire le premier.

6 décembre 2006

Idiomatismes.

Il y a encore quelques mois de cela, pour arrondir mes fins de mois étudiantes, je faisais des traductions de documents scientifiques du suédois vers le français (et de l'anglais vers le français). Un boulot d'appoint très sympa, mais pas si tranquille qu'il n'y paraît. Surtout lorsqu'il s'agissait de traduire des phrases particulièrement idiomatiques, toujours en gardant à l'esprit que la traduction doit donner l'impression qu'elle n'en est pas une.

Le suédois, comme toutes les langues germaniques (anglais, allemand, néerlandais, danois, suédois...), adore entre autres les verbes à particules. Et, grâce à ces dites particules, adore créer de nouveaux verbes. Facilité de construction qui permet à la langue d'être très efficace dans certains contextes "applicatifs". Difficiles à apprendre parfois (je me suis par exemple toujours demandé d'où venait le "in" dans "ställa in", "annuler" en suédois), ils sont cependant d'une aide précieuse lorsqu'il s'agit d'exprimer quelque chose d'imagé. Et c'est là qu'est l'os lorsqu'il s'agit de traduire.

Affiche d'appel aux dons pour la Croix-rouge.

Prenons cette affiche d'appels aux dons pour la Croix-rouge. "Sms:a bort ensamheten". "Sms:a" se traduit en français par "envoyez un sms" (le suédois est très friand de ces nouveaux verbes, "googla xyz" pour dire "rechercher xyz grâce à Google", etc.). Ensuite vient la particule "bort" qui exprime un rejet, une distance (l'équivalent de la particule "away" en anglais). Il s'agit donc de rejeter quelque chose par sms. Puis vient "ensamheten" qui signifie "la solitude". La campagne consistait à envoyer un sms surtaxé qui était transformé en don de 50 couronnes pour la Croix-rouge pour aider les personnes seules à l'approche des fêtes de Noël.


Et en français ? On oublie souvent le verbe. Je vote pour "un sms contre la solitude". Pas si facile que cela.

5 décembre 2006

Tout le monde le sait mais c'est toujours primordial à rappeler tellement c'est honteux et inhumain.

Stylistique helléniste.

Cyclistes miniature en métal.

Il y a un peu plus de 5 ans, j'avais acheté par curiosité le premier album solo de Stephen Malkmus, le chanteur du défunt groupe indie Pavement (groupe resté relativement confidentiel dont j'aimais vraiment la diversité, Terror Twilight, leur "chant du cygne", est d'ailleurs une merveille).

J'avoue qu'à l'époque je n'avais pas été monstrueusement emballé par les chansons de Malkmus, bordéliques, sans ligne musicale directrice, souvent un peu molles. Un album au son assez différent de celui de Pavement, que j'avais très rapidement remisé dans la pile de disques sans même l'écouter entièrement (à l'époque j'étais comme qui dirait boulimique de musique, j'achetais un nombre incalculable de galettes par mois).

Et puis on change.

Parmi les chansons de l'album, Trojan curfew ("couvre-feu troyen"). Du grand n'importe quoi digne des grandes heures de Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band.



Greek gods are communing
Beneath the doric arch
And they talk how small we humans are
They drink to Agamemnon
They toast his pyrrhic march
And wait for the sacrifices

Shepherds herd in real time
Sheep are barley-grazing on a field of green
Vines ripen to find
Troy will prevail
Trojan curfews prevail

So we got smashed on Ios
Down around some doric arch
And the trashed blonde scandi
Mistook me for a Swede
Her slurred medieval accent
Was like a puddle at my feet
You could see chopped tobacco in her teeth

Flaccid waves converging
On a rock hard strip of concrete
Near a field of green
We sign deutschmarks are fine
Aren't you too pale
Does it hurt you?
So pale
Trojan curfews prevail


Malkmus doit être la seule personne au monde à pouvoir faire rimer "doric arch" avec "pyrrhic march" [*]. A employer dans la même chanson les mots "Agamemnon" et "deutschmarks". Et à parler d'une scandinave mâchonnant du snus.

Rien compris à cette chanson, mais c'est ce qui lui donne tout son charme. Et qui me fait dire que décidément, j'adore tout ce qui a trait à la mythologie grecque, sans trop savoir pourquoi, d'ailleurs.


[*] "pyrrhic" se traduit en français par "à la Pyrrhus". On l'emploie souvent dans le cadre de l'expression "une victoire à la Pyrrhus", qui signifie que la bataille a été gagnée mais au prix de lourdes pertes laissant un goût amer à celle-ci. Cette expression aurait été plus ou moins créée par Plutarque qui reportait les propos du roi Pyrrhus Ier après la bataille d'Ausculum, disant que si une nouvelle bataille avait lieu, ses troupes la perdraient tellement elles ont été décimées.

A l'instant j'imagine Eugène Saccomano lançant à la cantonade qu'une victoire de l'équipe de France de football face au Brésil en demi-finale de coupe du monde au prix de blessures graves pour Ribéry et Henry et d'un carton rouge pour Coupet est "une victoire à la Pyrrhus". Bon ok, pas crédible, mais bon.