free web stats
Carte postale suédoise: février 2005

28 février 2005

Dr. Jekyll & Mr. Hyde.

En semaine il est propret. Silencieux. On y voit des enfants dans des poussettes, des personnes âgées, des hommes en costume trois pièces, des femmes en tailleur, des jeunes avec un sac à dos. Il est comme ça, le métro de Stockholm en semaine. Mixte. Silencieux. Tenu.

C'est le vendredi vers 20 heures que tout bascule. Week-end. Le boulot est fini. On a laissé sa retenue au vestiaire. On boit. Uniquement ces jours-là, d'ailleurs. Jamais en semaine. On boit donc mal et trop. Beaucoup trop. Un bruit ahurissant envahit les rames du Tunnelbana qui vont déverser des centaines de passagers du côté de Stureplan, le coin des boîtes de nuit. On s'entasse comme des sardines. Les poussettes ont disparu, laissant place à des hordes d'adolescents auxquels il faudra un jour que je demande l'adresse du tailleur. Baskets exubérantes, mariage de couleurs douteux, apparence visiblement étudiée. Fashion victims, confient-ils. Quelques moins jeunes aussi, mais qui cherchent la même chose. Canettes de 50 centilitres à la main. Ils font attention car l'alcool est interdit dans le métro. Une mesure qui n'empêche pourtant pas de fréquents débordements, bien que la police privée qui rôde ne soit pas avide de réprimandes. On croise parfois des individus tellement éméchés qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils ont le nez en sang. Réflexe oblige, ils ont tout de même réussi à brancher leur iPod pour faire le voyage. Néanmoins sans savoir à quelle station s'arrêter. Qu'ils fassent tout de même attention. -10°C dehors, cela ne pardonne pas, surtout quand on a l'esprit un peu embrumé.

Le métro de Stockholm en week-end. Ces gens qui ne boivent jamais en semaine mais qui se rattrapent en une soirée. Ils vous diront qu'ils ne comprennent pas ces Français qui "boivent tout le temps mais en petite quantité". Ils vous diront que cela ne sert à rien. Le métro en week-end. De quoi appréhender directement le rapport étrange qu'entretiennent certains Suédois avec l'alcool. Sans généraliser, évidemment.

27 février 2005

Munch, peut-être plus qu'un cri...

Parfois, on croirait qu'un oeuvre a été bâtie sur un morceau de musique. Celle de Munch aurait pu l'être. Une nuit sur la Mont chauve, de Moussorgski.

Sur le papier, Munch, ce n'est pas glamour. C'est même sombre. Très sombre. Un peu comme la nuit norgévienne en hiver. Il faut peut-être dire que la vie ne l'a pas toujours gâté.

Edvard Munch est né en Norvège (à Christiana, devenue par la suite Oslo) en 1863. Sa vie est d'emblée marquée par la mort, puisque sa mère est emportée par la tuberculose en 1868. Sa soeur aînée la suit de peu, alors que sa plus jeune soeur souffre d'une maladie mentale dès son plus jeune âge. Edvard est lui-même souvent sujet à la maladie (il aura survécu à la tuberculose, la bronchite et la grippe espagnole). Seul l'un de ses frères semble échapper à ce fléau et parvient à se marier. Peine perdue, il mourra six mois après la noce.

Autoportrait à la cigarette, 1895.
Autoportrait avec cigarette, 1895. Une vie qui se consume...

L'oeuvre de Munch commence alors à graviter autour de deux thèmes principaux : l'amour destructeur et la mort. Nombre de ses tableaux (je pense notamment à La mort de Marat) témoignent de sa vision trouble des relations passionnelles entre l'homme et la femme.
Son art change en faisant la connaissance de peintres comme Gauguin ou Cézanne. En séjournant en Allemagne il entre dans les cercles nietzschéens et se tourne vers l'expressionnisme dont il sera l'un des précurseurs.

Ebauche du cri, 1895.
Ebauche du Cri, 1893. Angoisse de fin de siècle.

A partir de 1902, il entre dans une grave dépression et se réfugie dans l'alcool. Rongé par diverses maladies, déséquilibré psychiquement, il s'interroge et lance des appels.

Autoportrait en enfer, 1903.
Autoportrait en enfer, 1903. Dépression, résignation.

Edvard Munch meurt en 1944, retiré dans son atelier norvégien. Sept ans auparavant, son art avait été qualifié de "dégénéré" par le troisième Reich, quatre-vingts de ses oeuvres appartenant à des musées allemands (et qui avaient contribué à son succès Outre-Rhin au début du siècle) avaient été vendues. La plupart de ses oeuvres sont maintenant au musée Munch d'Oslo.

Munch appartient sans doute à la famille de ces artistes écorchés vifs dont l'oeuvre violente et parfois incomprise est indissociable des événements tragiques qui ont marqué leur existence. On en vient à se dire que si l'homme n'avait pas eu de pinceaux...

Après de telles visions, on aimerait partager. Dommage, je ne trouve jamais personne pour m'accompagner dans ces lieux. Il faut peut-être attendre que je vieillisse. Les musées, cela n'attire pas particulièrement les jeunes, en France comme en Suède.

Ciel bleu et neige sur Skeppsholmen.
Finalement, la neige s'est invitée en soirée. Un peu de bleu après la vision d'une oeuvre si étouffante...

Pour les quelques égarés qui se perdraient à Stockholm:
Munch själv - Moderna Museet - Skeppsholmen, Stockholm. Jusqu'au 15 mai.

26 février 2005

Evidemment...

Svenska Dagbladet. 26 février 2005.

...Que la démission du fils de cordonnier a fait parler d'elle jusqu'ici. Une grosse photo dans le sommaire, une page entière dans la rubrique "étranger". Evidemment. Et le journal de rappeler le montant relativement aberrant du loyer. "127 000 couronnes". Et le journaliste de souligner le commentaire rapide de Jean-Marc Ayrault : "Dans une démocratie scandinave, le ministre des finances aurait été immédiatement contraint de démissionner". Oui, car personne ne l'a officiellement forcé.

Merci donc à Hervé pour cette jolie image qu'il donne de la France et de la politique. Car voilà, que retient-on de l'article ? Gaymard, cela ne dit pas forcément grand-chose ici. Non. Tout ce que l'on retient, c'est que c'était un ministre français qui louait un appartement grandiose aux frais du contribuable. Il y a quelques mois, le même nombre de lignes était consacré à la condamnation du "meilleur d'entre nous". Effet d'accumulation. Alors on me pose des questions sur la probité des hommes politiques en France. J'ai beau expliquer que ce ne sont que des cas isolés, que la majorité des hommes politiques est intègre, le constat est là. Malhonnêteté, mensonges et corruption. Les actes de quelques-uns qui nuisent à l'ensemble.

Ici, la politique n'est pas prise comme un accomplissement. Elle est considérée comme une charge, un devoir vis-à-vis de la population. Et encore davantage lorsque l'on occupe un poste de ministre. On montre un peu l'exemple. On a conscience de ses actes. Et on assume.

En me disant avec effroi qu'une affaire comme celle-ci nuira forcément à la ratification de la constitution européenne, pourrissant le débat. En me disant que ce genre d'affaire n'aidera pas à lutter contre l'abstention. On avait besoin de cela. Merci.

25 février 2005

Ciel bleu.

Des cristaux de glace en face de toits enneigés.

Retour à la surface, semaine surchargée. Pas eu le temps d'apprécier le soleil qui a timidement fait son retour. Un peu de ciel bleu, cela fait tout de même du bien. Malgré mon peu d'attrait pour l'astre du jour. Un ciel bleu pâle, un ciel suédois. -11°C, pas tellement plus. Un ensemble qui tranche un peu avec ces dernières semaines enneigées et grisâtres. A en oublier la nuit qui n'est pas encore définitivement partie.

Exposition sur Munch et l'autoportrait au Musée Moderne de Stockholm demain. Parce qu'évidemment la neige fait son retour, alors on s'enferme.

21 février 2005

Respectez la consigne...

Avant de partir en Suède, j'étais tombé sur un chiffre qui m'avait quelque peu interloqué. Il affirmait qu'en Suède, environ 70% des déchets ménagers sont triés. Impressionnant. Je me posais des questions. Les Suédois étaient-ils si différents des Français ?
J'en rêvais, moi qui voyais tous les jours à Nantes des gens jeter du verre ou des piles à la poubelle. Alors je me suis dit que les Suédois étaient beaucoup plus disciplinés et avaient une réelle conscience écologique. Idée qui ne s'est d'ailleurs pas révélée fausse.

Mais voilà. Pour obtenir un tel résultat, il faut forcément une carotte. Si l'on ne compte que sur ces gens qui ont un tant soit peu de considération pour notre jolie planète, on ne va pas bien loin. Alors on a trouvé en partie la solution. La consigne.

Bouteilles en plastique. Canettes en métal. Bouteilles en verre. Toutes portent la notion "Pant" (consigne) suivie d'un certain montant qui peut parfois s'avérer relativement conséquent (l'équivalent de 0,22? pour une bouteille plastique d'un litre et demi par exemple). A mettre dans des machines qui vous rendent automatiquement la monnaie. Plastique fondu à nouveau, verre lavé. Certaines bouteilles de boisson gazeuse portent alors un léger voile opaque qui montre que la bouteille a déjà servi. Le marketing est un peu horrifié de voir un emballage un peu moins avenant. Mais cela se vend tout de même. Comme quoi, l'emballage...

Cette carotte ne marche pourtant pas tout le temps, dans ce pays qui a un fort pouvoir d'achat. Une couronne de consigne, c'est finalement bien peu. Alors quelques-uns, sitôt leur canette finie, la jettent dans la première poubelle venue. On voit alors parfois en week-end un clochard muni d'un grand sac faire la tournée des canettes. On se dit avec tristesse qu'il lui faudra environ 150 exemplaires pour se payer de quoi manger pour la journée.

73% des déchets ménagers sont triés (ceci excluant donc les déchets industriels) en Suède. À titre de comparaison, ce chiffre est de 52% pour la France et de 30% pour les États-Unis.

L'idée du jour.

Une jolie photo d'une feuille d'essuie-tout.

Des feuilles d'essuie-tout moitié moins grandes. Pas besoin de feuilles gigantesques, puisqu'on ne les utilise jamais en entier. Deux fois moins de papier utilisé. Deux fois moins de papier fabriqué. Deux fois moins de papier jeté. Pouf pouf.

19 février 2005

Une langage commun.

Tous les jours il est là. Douze ans, pas tellement plus. Un mélodica dans les mains. Entre Kungsträdgården et Akalla, il sillonne les rames de métro. Tout le temps le même morceau, "Sous le ciel de Paris". Il doit être roumain, sans doute. Les gens donnent un peu, beaucoup moins sollicités que les usagers du métro parisien.

Sur le chemin de l'université, je cherche la signification d'un mot dans ma bible, comme cela m'arrive souvent. Il n'a pas joué depuis mon entrée dans la rame. Il attend la prochaine station. "Vous parlez français ?" entends-je d'une oreille distraite. Je lève la tête, incrédule. "Oui", réponds-je. "Toi aussi ?". "Oui, on parle beaucoup cette langue dans mon pays d'origine. Vous venez d'où ? Vous connaissez Paris ?". Courte discussion dans une langue que nous devons être les seuls à comprendre dans ce wagon.

Dialogue furtif qui n'aurait jamais eu lieu entre la mairie d'Issy et la porte de la Chapelle. Une langue qui rapproche. Un de ces événements anodins d'une vie d'expatrié.

18 février 2005

À toute vitesse.

Un char à voile à patins.

Entre les flocons, un ponton. Oh, il n'est pas d'un grand secours, dans la mesure où le lac Mälar est en grande partie gelé, une couche mince d'environ 5 centimètres occupant sa surface (qui est, est-il nécessaire de le rappeler, deux fois plus importante que celle du lac Léman).

Une étrange embarcation. Voiles rangées dans un hangar, bien au chaud. Importantes chutes de neige, pas de sortie.
L'observateur averti se sera évidemment douté de quelque chose en regardant cette photo sur laquelle on ne distingue malheureusement pas grand-chose. Un bateau sur un lac gelé, toutes les embarcations sont en hivernage depuis au moins 4 mois...

C'est au niveau de la coque que cela se passe. Trois lames, dont une est mobile. Voilà, vous y êtes. Vous avez face à vous l'équivalent hivernal du char à voile. Attention tout de même, entraînement obligatoire. Par grand vent, on m'a dit que l'on pouvait atteindre les 100 kilomètres à l'heure. Autant dire que la chute peut s'avérer violente si la bête n'est pas maîtrisée. Ici, on ne dessale pas.

Si l'occasion se présente, je n'hésiterai évidemment pas. Cheveux au vent, sport insolite, photos extrêmes pour rouler des mécaniques auprès des amis, tout ça... En exagérant un peu, c'est peut-être encore plus original que monsieur jolies cuisses et son kite surf...

Nota : cette note est évidemment faite pour un public non nord-américain, puisque je crois que les habitants de la côte Est (au-dessus de New-York, sans doute) ont également la chance de pouvoir filer sur la glace à toute vitesse. Mais dites-moi tout de même si je me trompe !

17 février 2005

Températures, etc.

Train de banlieue couvert de neige et de glace. Vue du lac Mälar entièrement gelé.

Lorsque l'on n'a (presque) rien à dire, on parle du temps. De quoi alimenter les conversations. Pas d'exception ici. Hiver étrange. Amplitudes thermiques phénoménales. -10°C ce soir, +1°C demain matin. De quoi faire tourner les têtes. Mais on retrouve le sourire en constatant que les moyennes ont retrouvé une allure plus habituelle et que le ciel a repris sa couleur si particulière. 6 jours que nous n'avons pas vu le soleil. Un gris omniprésent, une atmosphère chargée, presque étouffante. On ne distingue même plus la ligne d'horizon, au loin.

Et le train roule, se chargeant de flocons et de glace. Une ambiance de conflit, un silence omniprésent. Lumières au loin, froid pénétrant. Des arrêts fantômes, au milieu de nulle part. Lac gelé, une jolie atmosphère.

C'est également un peu cela, la Suède. Partie que peu d'étrangers envient. Solitude et grandes étendues. Et Stockholm qui n'est pourtant pas loin... Inutile de dire que j'adore, forcément.

14 février 2005

Métamorphose.

Une bicyclette et une rue couvertes de neige.

En l'espace d'une journée, Stockholm a retrouvé un climat qu'elle aurait dû avoir depuis plus de deux mois. Trains retardés, bus bloqués et patinant à souhait dans des côtes couvertes d'un épais tapis. Lumière aveuglante, 30 centimètres en une nuit, tout y est. Mieux vaut tard que jamais, finalement. Joie des enfants dans la rue, bougonnement des conducteurs, émerveillement pour les yeux.

En attendant d'avoir un peu plus de temps pour partager tout cela avec vous.

8 février 2005

Ja, må han resa...

Longue discussion autour d'un caffè latte. Bruyante. Sur le voyage. Et je suis le seul étranger. Alors on parle de cultures. De découvertes. D'intégration et de langues. "Att resa är att leva" dit quelqu'un, citant le Danois Andersen. "Voyager, c'est vivre". Une telle tautologie que certains n'hésitent pas à dire ironiquement "Att leva är att resa".

Je sasse et ressasse cette jolie phrase dans ma tête, me disant que oui, le voyage est l'une des plus belles choses qui soient. Sans doute pas le voyage de quelques jours. Ce voyage qui permet de prendre seulement quelques clichés pour montrer à la famille. A l'époque où Andersen avait dit cela, le voyage, c'était une aventure. On partait en Grèce pour voir les temples qui nous avaient tant fait rêver dans les versions hellénistiques. On partait vers l'Orient trouver ces mille et une nuits. Et une fois sur place, on trouvait autre chose. Parfois bien loin des images connues.

Quand j'étais petit, je regardais ces beaux livres avec ces monuments. Ces jolies photos glacées, posées sur le papier. Ce soleil et cette neige qui manquent un peu en Normandie. Mais il manquait vraisemblablement quelque chose dessus. Ce petit quelque chose qui fait que tout prend un sens. Au-delà de ces pierres.

Il manquait la vie. Il manquait ces gens. Ces gens qui ont construit ces monuments. Ces gens qui ont parcouru ces forêts et ces lacs. Ces gens qui ont une histoire, des histoires à raconter. Et qu'il est si difficile de décrire en quelques mots.

J'ai toujours été surpris de la raison d'être du voyage. Dans les catalogues, on nous montre des monuments. De belles plages de sable fin. Des sites exceptionnels. On ne nous parle jamais des gens. Peut-être parce qu'en quelques jours il est difficile de nouer des liens. Dommage. C'est peut-être là l'essentiel.

Alors l'espace d'un instant je regrette un peu l'existence d'Internet. J'aurais aimé ne plus avoir accès aux nouvelles du pays. Ne plus savoir ce qui se passe chez moi. Etre vraiment dépaysé. Absorbé, au vrai sens du terme. Je regrette peut-être également de n'avoir auparavant pas eu le cran de partir pendant des vacances le baluchon sur le dos. Partir à l'aventure l'espace de quelques semaines, sans savoir de quoi demain sera fait. Pour partir ailleurs, vivre.

Il y a sans doute quelque chose de sacré dans le voyage. Element qui ne vient pas tout de suite. Le prix à payer pour recevoir en retour autant d'émerveillement. Et pour commencer une nouvelle vie. Voyager, c'est vivre, disent-ils...

6 février 2005

Sans faire de bruit.

Voie ferrée à travers des grillages.

Ça aurait pu prendre la forme d'une élégie. D'une complainte, d'un appel aux commentaires. Mais c'était sans doute mal connaître le personnage.

Edouard a tiré sa révérence. Sans crier gare, tout en finesse et discrétion. Cette empreinte d'ouverture et de culture.

Même si je ne m'exprimais pas sur son carnet, je lisais les billets d'Edouard avec un oeil curieux et fasciné. Je regardais ces photos de la grosse pomme. En me disant souvent que je devrais en prendre de la graine, à l'heure où je peine à me renouveler.

Je ne me fendrai pas d'un couplet digne d'une oraison funèbre. Je dis juste à Edouard un grand merci pour avoir tenu son élégant carnet. Merci de nous avoir montré cette "autre Amérique", bien au-delà des idées reçues.

Sans supplier, sans réclamer de retour. Car un carnet appartient à celui qui l'écrit, après tout.

4 février 2005

Lever de soleil.

Vue sur des toits au lever de soleil, ciel violet.

C'est joli, les toits des maisons au matin. Cette impression de calme, au réveil. Boire un grand verre de jus d'orange en regardant par la fenêtre. Une impression de sérénité. Pas grand chose de plus, finalement.

2 février 2005

Des méfaits de la communication.

Hier matin, j'ai eu la surprise de trouver en pleine page d'un quotidien réputé sérieux, la Svenska Dagbladet, ceci :

Photo de l'appel au dons de Médecins sans frontières, 1er février

Appel aux dons pour Médecins sans frontières, SvD, 1er février 2005.

"Aidez-nous à aider les sinistrés d'Asie du sud !

Le raz-de-marée qui a suivi le tremblement de terre en Asie du sud a touché au moins un million de personnes.
Médecins sans frontières envoie en ce moment du personnel médical et des équipements de première nécessité dans la région pour combattre les épidémies et venir en aide aux blessés et aux sans-abri.

Nous avons besoin de votre aide !"


Médecins sans frontières avait pourtant il y a un mois annoncé l'arrêt des appels aux dons pour cette cause (la politique de MSF étant d'attribuer les dons uniquement aux causes pour lesquelles ils ont été faits), provoquant certains remous parmi les autres organisations humanitaires. La vision de cet appel dans un grand quotidien (500 000 exemplaires chaque jour pour un pays de 9 millions d'habitants tout de même) m'avait donc quelque peu interloqué. Incohérence ? De la part de MSF, cela me surprenait.

Et ce matin j'ai eu le "soulagement" de trouver ceci :

Photo de l'appel au dons de Médecins sans frontières, 2 février

Appel aux dons pour Médecins sans frontières, SvD, 2 février 2005.

"Nous avons besoin d'argent. Mais pas pour l'Asie du sud.

Dans le journal d'hier, SvD a publié une annonce erronée pour Médecins sans frontières, qui semblait dire que nous demandions de l'argent pour l'Asie du Sud. Ce n'est pas vrai. Médecins sans frontières a cessé de rassembler des fonds pour cette catastrophe depuis le 4 janvier. Nous avons reçu suffisamment pour mener à bien notre action présente et nos projets sur place. C'est pourquoi nous n'avons plus besoin d'argent dédié à cette cause.
Mais nous avons besoin de continuer notre effort pour pouvoir venir en aide rapidement aux victimes des prochaines catastrophes. C'était grâce à la présence de nos bénévoles avec de l'argent non-dédié que nous avons pu être présents en Asie du sud et commencer immédiatement à travailler.
Nous avons peut-être davantage besoin de la générosité du monde dans ces 80 pays auquel nos bénévoles viennent en aide chaque jour, dans des endroits où la misère est aussi importante, où les caméras de télévision ou les microphones des reporters ne se dépêchent pas. Nous avons également besoin de votre aide au Soudan, au Congo, en Somalie ou en Ouganda, pour ne nommer que quelques pays.
Merci de votre soutien."


J'ai toujours été surpris de la légèreté avec laquelle certains peuvent agir, surtout lorsqu'ils savent qu'ils vont toucher plusieurs millions de personnes. Quid de la relecture du journal ? Une publicité comme cela aurait pourtant dû attirer l'oeil lors de la relecture. Quelles peuvent être alors les conséquences de cette bévue (une pantoufle d'or s'impose, évidemment) sur l'argent envoyé à MSF ?

J'ai un peu hésité avant de mettre en ligne ces deux photos, en me disant qu'elles écorchaient un peu l'image d'une organisation (prix Nobel de la paix en 1999) que je respecte non seulement pour son travail, mais également pour son honnêteté intellectuelle. En me disant qu'une erreur tierce aussi grossière peut discréditer une organisation. Mais en me disant surtout que douter de la clairvoyance des lecteurs qui se hasardent ici, ce n'était sans doute pas la meilleure des choses à faire.

Parce que la communication, ce n'est en aucun cas le reflet des actes sur le terrain. Malgré ce que peuvent en dire certains.