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Carte postale suédoise: février 2011

13 février 2011

Cygnes extérieurs.

Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré : le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable.

Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être.


Un éperon rocheux situé à l'extrême-sud de la Bavière, à la frontière autrichienne. Au milieu de la forêt, au flanc de ces magnifiques montagnes peu hautes mais très abruptes. Cadre somptueux, neige féérique propice à la rêverie, chemin pentu serpentant dans les bois, cascade vertigineuse, le romantisme allemand dans ce qu'il a de plus grandiloquent. Il ne manque sans doute plus que la pompière ouverture de Tannhäuser pour compléter le tableau.

Neuschwanstein

La visite de Neuschwanstein laisse une impression bien singulière. Un sentiment se situant à mi-chemin entre la fascination et la pitié. Prague, Neuschwanstein, stations de correspondance entre l'être et l'oubli.

Bien des choses ont été écrites sur ce château ainsi que sur Louis II de Bavière. Rêve néogothique d'un homme en mal d'histoires, fou très certainement. Malheureux, évidemment.

Commencée en 1869, la construction du château dura quatorze ans, jusqu'en 1886, à la mort de Louis II. Techniques modernes (marbre et autres pierres montés au château à l'aide de grues à vapeur, bureau de Louis II relié à la poste du village en contrebas par le téléphone...) pour cet édifice largement inspiré du Viollet-le-duc-isé château de Pierrefonds, fresques criardes à la gloire des légendes moyennâgeuses (Parsifal, Siegfried, Tristan et Isolde), obsession pour les cygnes et salle du trône à la coupole dorée, finalement très symbolique du lieu et de son unique habitant puisqu'elle n'aura jamais accueilli de trône.

Louis II ne verra en effet jamais son rêve d'enfant achevé, puisque, criblé de dettes et sombrant dans la folie, il sera destitué en 1886, quelques jours seulement avant sa mort mystérieuse dans le lac de Starnberg, alors que de nombreuses pièces du château étaient encore en construction. Ce dernier sera ouvert aux visites dès cette année, pour éponger les dettes laissées par le souverain. Immédiatement transformé en kitsch, finalement.

La visite d'un lieu aussi singulier que celui-ci, un lieu à lire sans doute au second degré, comporte évidemment son lot de petites perles, japonaises et américaines pour la plupart. Il y a cette touriste émerveillée, "This castle's amazing, it's so European", la main posée sur cette colonne celtique tellement proprette en béton armé. Il y a ce touriste japonais, triste de constater qu'au final peu de pièces ont été achevées, et qui demande à l'accueil pourquoi ils n'ont pas continué la construction après la mort du roi, pour les touristes.



La grotte artificielle dans laquelle Louis II se plaisait à incarner Tannhäuser entrant dans la grotte de Vénus sur sa barque tirée par des cygnes, le tout évidemment sur la musique de Wagner, se trouve quant à elle sous le château de Linderhof, à quelques dizaines de kilomètres de Neuschwanstein. Tout concentrer dans le même château, ça n'était sans doute pas très raisonnable.

6 février 2011

Blodpudding.

Kreisstraße
A l'horizon, le Tyrol et Innsbruck. Autant vous dire que dans les têtes, Paris était trèèèèèès loin.

L'estomac encore secoué par le Kaiserschmarrn d'Oberau, le Glühwein de Munich et les cerises à l'eau de vie de Garmisch, c'était non sans une certaine émotion teintée de curiosité que je partais redécouvrir fin décembre les pistes enneigées d'Arlanda.

La joie d'aller au Pressbyrån après avoir récupéré les bagages, de lire les quatrièmes de couverture des Månpockets (*), d'acheter les billets d'autobus pour le centre-ville (en suédois de bout en bout sans remarque sur mon accent rouillé siouplaît, avec une conversation durant très longtemps du fait que la machine ne fonctionnait pas). Ces odeurs de grillkorv et de bullar me réjouissaient presque, évidemment davantage par les souvenirs qu'elles évoquaient que par l'appétit qu'elles aiguisaient en moi.

Stockholm n'a que peu changé. Si ce n'est ce bâtiment habillé de grandes feuilles de métal à la sortie de la gare, les tickets de métro magnétiques qui ont laissé la place à un équivalent d'Oyster, ou ces autres détails qui n'ont pas altéré la perception que j'avais de la ville et de son esprit.

Squirrel

J'ai cependant encore du mal à savoir si je me suis senti à nouveau chez moi. Quatre années se sont écoulées, la ville est restée semblable, la télévision a passé les mêmes programmes, les gens n'ont pas déménagé, mais le monde a entretemps changé. Apprendre, grandir, changer. Moi comme mes amis et anciens collègues, et ce dans de nombreuses directions. Nous parlions à l'époque de ce que nous allions faire après les études, des nos rêves candides, de ces modèles de vie naïfs que nous avions en tête, je parle à présent de marchés financiers, de bouquins lus dans le métro, de voyages en Turquie, de concerts, le tout en passant mon temps à me plaindre que je manque de temps.

Muffled

A mon retour du nord, mon ordinateur a alors décidé (après moult signes avant-coureurs, certes) de ne plus fonctionner. Présence d'esprit d'avoir fait des sauvegardes des photographies de ces quatre dernières années, me voilà en tout cas moins proche du monde en ligne depuis quelque temps (nous remercierons néanmoins M. iPhone de me permettre de prouver aux gens éloignés que je ne suis pas encore mort). Et surtout, aujourd'hui mis à part, dans l'impossibilité de transférer et publier les photographies prises récemment. Pech, il va encore falloir investir.

Patton n'avait eu de cesse de le rappeler. No son of a bitch ever won a war by dying for his country, you win a war by making what it needs so that the son of a bitch in front of you die for his country.

En tout cas vous me rappellerez de vous raconter la visite de Neuschwanstein, c'était lunaire.

(*) J'ai fini par craquer et acheter un roman de gare, Östermalmsmorden. Il m'a permis d'apprendre le mot "slyna", que je ne connaissais pas du tout.