Cela faisait un petit moment que je souhaitais revenir sur ce problème de société qui s'impose à nous.
Tehu, en
mettant en avant un
bel article du Nouvel Observateur, amorce un débat qui est jusqu'à maintenant, à mon avis, trop souvent éclipsé. Parce qu'il dérange.
Car voilà. En tournant en ridicule la "fainéante bossant à mi-temps" qui a écrit
Bonjour paresse, en conspuant à tour de bras cette chimère qu'est la France qui régresse (et en faisant preuve par la même occasion d'une vision un peu trop étriquée), en rejetant tous les conflits sociaux, en niant les propos des personnes qui confient leur mal-être au boulot (non, au boulot, tout le monde ne "s'éclate" pas), certains risquent bien de se prendre en retour une belle volée de bois vert. Trop facile de se référer aux temps anciens où "les gens étaient travailleurs". On ne demandait à l'époque pas aux cadres de programmer un "plan social" (quel joli mot). On n'avait pas conscience que le produit que l'on vendait contribuait à l'étouffement progressif de notre planète. Tout change, messieurs.
Non, tout le monde n'a pas envie de se saigner pour l'entreprise sous cette forme. Non, parfois, on refuse de faire certaines choses car on a une éthique personnelle. Non, cet esprit
corporate, ces (hypocrites ?) séminaires d'entreprise à Barcelone, ces hiérarchies qui ne s'assument pas, ne sont pas du goût de tous. Non, tout le monde ne vénère pas un culte au dieu pognon.
Certains, de l'autre côté de la barrière, apportent encore les sempiternelles réponses faciles. Paresse. "Il faut remettre la France au boulot". Mettre à mal ces "générations d'assistés". Sans pour autant entamer un débat qui s'impose à nous. A tous. Même à l'entreprise. Tout faux.
Tout cela aurait pu être facile. Mais évidemment, comme toujours, le problème est complexe. Etats d'âmes de diplômés d'écoles de commerce qui ne sont finalement pas des machines aux dents longues et ont un sursaut d'éthique, d'humanité. Marre de générer des profits qui ne profitent pas à l'ensemble de la société. Marre de gagner de l'argent pour se payer un 18 trous. Dégoûts d'ingénieurs qui ont l'impression de livrer toutes leurs connaissances scientifiques durement acquises aux mains d'organisations peu scrupuleuses, sans en faire profiter LA science. Fatigue de tous ces salariés qui se sentent leurrés par une entreprise qui leur a fait croire qu'ils étaient plus qu'une ressource. Qu'on ne s'étonne pas alors que beaucoup considèrent l'entreprise uniquement comme un moyen de subvenir à ses besoins, pas davantage. A force de se comporter bassement, de se moquer de ses employés, de jouer de faux-semblants par le biais de certains comités d'entreprises, on récolte ce que l'on a semé. Tout en ne voyant pas ce qui ne va pas, aveuglé par un postulat qui dit que la seule chose que recherche le salarié, c'est l'argent. Un mot qui ne viendra jamais à l'esprit : humanité. Car voilà, certains rêvaient d'un monde du travail qui oeuvre pour l'humanité, qui apporte à ceux qui n'ont rien. Un monde qui enrichisse la personne humaine, un monde qui ne soit pas uniquement fait de contraintes et de coups de poignard dans le dos. C'est peut-être cela, cette forme d'accomplissement...
Certains se battent,
posent les bonnes questions (le débat aura-t-il lieu ?). On voit des choses troublantes. Un film,
Violence des échanges en milieu tempéré. Ces gens diplômés, destinés à mener une carrière proprette, attaché-case à la main, et qui un jour claquent tout, car ce monde ne leur plait plus.
Alors oui, on peut trouver cette attitude indécente. On peut trouver intolérable de refuser un CDI à une heure où le chômage ne diminue pas, ou peu. Mais il s'agit pour moi du même problème. Un même ensemble qui pourrit les relations des gens vis-à-vis du travail. Un problème que l'entreprise, la société, l'Etat, devraient prendre à bras-le-corps. Un problème qui fait que peu de salariés partent au travail avec le sourire. Le travail, une forme d'accomplissement personnel, comme beaucoup disent. Ou voudraient le (faire) croire, plutôt. Beaucoup le souhaiteraient. Rêve rapidement déçu.
Ramifications innombrables pour une crise naissante dont on n'a pas fini de voir les conséquences...
Mardi 28 septembre 2004 |
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